6 août 2008

Polémique des deux Cambridge

Petit topo du jour sur un débat datant des années 60 et confrontant les universitaires des deux Cambridge aux Etats-Unis et au Royaume-Unis. Les premiers étaient soutenus par Samuelson et Solow tandis que les seconds se revendiquaient du courant de Sraffa.

Le débat porte alors sur la fonction de production néoclassique, plus spécifiquement sur la notion de capital et de ses relations avec la répartition des revenus entre groupes sociaux. Deux problèmes sont soulevés : le passage de l’analyse microéconomique à celle macroéconomique via la notion d’agrégation et la critique de l’équilibre général néoclassique.

L’agrégation est un problème récurrent, qui revient constamment dans les cours de macroéconomie de premier cycle universitaire par le paradoxe de Condorcet d’abord puis surtout par le phénomène du retour à l’équilibre.

Le paradoxe de Condorcet montre, par la démonstration d’Arrow, que les choix individuels peuvent se traduire par des choix collectifs incohérents révélés par l’axiome de transitivité qui n’est pas vérifiée. Trois agents A, B et C doivent classer par préférence 3 marchandises x, y et z. L’agent A classera x, y puis z ; l’agent B préferera y à x et y à z ; enfin l’agent C optera pour z, y, x. Au final si x est toujours préféré à y, y le sera à z tandis que z sera préféré à x. En situation cohérente, x devrait être préféré à z (car x préférée à y, elle-même préférée à z), ce n’est pas le cas.

Le paradoxe du retour à l’équilibre est un peu plus technique. En « principe » l’intensité capitalistique (rapport du capital par tête pour un produit par tête donné) tend à décroître lorsque le taux d’intérêt s’élève. Le paradoxe montre que ce n’est pas toujours le cas. Deux entreprises A et B connaissent leurs « frontières des prix de leurs facteurs » (courbe montrant que l’offre concurrentielle d’une entreprise à rendement d’échelle constant n’est ni nulle, ni infinie). Celles-ci sont représentées ci-contre.
En-dessous d’un taux d’intérêt de 1%, l’entreprise A sera la seule à produire, son coût de production (pour le facteur travail) étant inférieur à celui de l’entreprise B pour un taux équivalent. Entre un taux d’intérêt de 1% et de 3%, c’est l’entreprise B qui produire, celle-ci bénéficiant de salaires moins onéreux que son homologue. En revanche, au-delà de 3% la tendance revient à sa situation initiale : c’est l’entreprise A qui produira pour un taux d’intérêt élevé alors que c’était déjà elle qui devait produire pour un taux d’intérêt faible.

Les économistes de Cambridge aux Etats-Unis acceptent la critique de l’agrégation mais s’en défendent pour des raisons épistémologiques : l’agrégation permet une simplification des modèles en ne constituant qu’une « approximation » de la réalité (mais quelle sens donné à « approximation ») tandis le modèle se doit d’être doté d’un « agent représentatif » (une réponse qui détourne le problème de l’agrégation des décisions individuelles).

Cette polémique montre la difficulté à remettre en cause les fondements de l’analyse économique. Ce peut être le cas pour ceux critiquant une modélisation économique trop simplificatrice, fondée sur trop d’hypothèses et de suppositions ; tandis que d’autres argueront que la réalité est trop complexe pour être traitée comme telle. Polémique « boulimique »!

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