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e 8 octobre dernier, le nouveau dispositif incontournable de la Zone Euro, pour assurer la stabilité financière de ses pays membres, a été lancé : le Mécanisme Européen de Stabilité (MES). Cette institution financière internationale doit remplacer le Mécanisme Européen de Stabilité Financière (MESF) et le Fonds Européen de Stabilité Financière (FESF) afin d’apporter une plus grande efficacité et davantage de garanties aux pays de la zone et aux marchés. Les dix-sept États de la Zone Euro ont tous ratifié le traité instituant le MES, ce qui certes les obligent à y contribuer financièrement ainsi qu’à fournir certaines garanties, mais aussi devrait leur permettre, une fois toutes les conditions réunies, d’en bénéficier s’ils le désirent.
De la crise à la création du FESF et du MESF
Afin de bien comprendre la différence entre le MES et les autres mécanismes et fonds européens de stabilité, préalablement établis, et en quoi il constitue un nouveau pare-feu plus robuste que ses prédécesseurs, il semble important de comprendre les raisons pour lesquelles le MESF et le FESF ont été créés et quels ont pu être leurs apports et les difficultés qu’ils ont pu rencontrer.
La crise de la
Zone Euro, plus communément appelée « crise de la dette », a
débuté en janvier 2010 avec l’éclatement de la crise grecque et s’est ensuite
propagée à l’ensemble de la zone. Les pays européens, déjà très affectés par la
crise financière de 2007-2009 et par la raréfaction de la liquidité, se sont
rapidement retrouvés en difficulté. Pour financer leurs politiques, ils ont été
contraints de creuser leur déficit et à s’endetter sur les marchés, à des taux
toujours plus élevés à cause de la hausse des
primes de risque sur le titres souverains. Dès lors le poids de la dette
augmente, les Etats ont du mal à rembourser et rencontrent des difficultés pour
emprunter à nouveau : on rentre alors dans une spirale négative avec une
réduction de la maturité moyenne des échéances obligataires sur dettes
souveraines.
Etant donné que
la grande majorité de la dette de ces pays est émise en euro, et que les
marchés demeurent très sceptiques sur la capacité de certains pays à la
rembourser, une spéculation sur des titres souverains, émis en euro, revient à
une spéculation contre la monnaie unique, avec un report des investisseurs sur
le dollar. Dans le même temps l’euro s’apprécie par rapport à un dollar
sous-évalué (rend ses produits plus attractifs). C’est donc la Zone Euro
entière qui est en danger et les risques de contagion d’un pays à un autre
demeurent assez élevés. Pour endiguer cette propagation, l’Union Européenne
(UE) a mis en place des mesures afin de fournir des aides financières aux pays
en difficulté. Le Fonds Européen de Stabilité Financière (FESF) et le Mécanisme
Européen de Stabilité Financière (MESF) ont été créés à cet effet, respectivement
en mai 2010 et en janvier 2011.
Le MESF est doté
de 60 milliards d’euros, son mode de fonctionnement est assez simple :
l’UE contracte des emprunts sur les marchés de capitaux, via le MESF, auprès
d’institutions financières pour venir en aide aux Etats, qui s’engageaient
quant à eux à remplir certaines conditions[1].
L’Irlande et le Portugal sont deux exemples de pays qui ont eu recours au MESF
depuis 2010. Ce mécanisme n’est qu’un complément du FESF, mis en place quelques
mois auparavant pour faire face à l’ampleur de la crise. C’est un dispositif
intergouvernemental avec une capacité de 440 milliards d’euros, qui devait
permettre d’assurer la stabilité financière des pays, tout en mettant en place
un plan massif total de 197,5 milliards d’euros d’aide à la Grèce (en
partenariat avec le FMI à hauteur de 39.93 milliards d’euros supplémentaires)
étalé dans le temps avec plusieurs tranches de paiements. Des aides dans le
cadre du FESF ont également été apportées à l’Irlande et le Portugal puis
l’Espagne plus récemment en 2012
Le FESF : les conditions d’une
stabilité…
Le FESF est une
société anonyme, dont les Etats de la zone sont actionnaires, qui se finance
sur les marchés (en émettant donc des titres), avec la garantie des Etats
participants. Ces derniers y contribuent conformément à leur part dans le
capital de la Banque Centrale Européenne (BCE), augmentée de 20%, pour assurer
un principe de sur-garantie (au cas où il faille compenser la non-participation
d’un éventuel Etat bénéficiaire) : l’Allemagne et la France représentant
47,53% du total, l’Italie 17,91% et l’Espagne 11.9%. Le FESF prête des fonds,
tout en ayant un statut pari passu, c’est-à-dire
qu’il sera traité de la même manière que les autres investisseurs en cas d’une
restructuration[2]
de la dette d’un pays sous programme.
En complément de
ces prêts, les pays peuvent avoir accès à des programmes de précaution.
L’objectif de ces programmes étant de fournir des lignes de crédits, tout en
prévenant les éventuelles situations de crise dans ces pays. Par la même
occasion, le FESF protège, ex ante,
sa structure en évitant qu’un de ses contributeurs se retrouve en difficulté
majeure. Trois types de ligne de
crédit existent : le Precautionary Conditioned Credit Line (PCCL), pour les pays à fondamentaux
économiques sains (dette jugée soutenable, respect du Pacte de Stabilité de
Croissance, accès illimité au marché primaire) ; le Enhanced Conditions Credit Line (ECCL) pour des pays
vulnérables avec une qualité intermédiaire de leurs fondamentaux, devant mener
des politiques correctrices pour se renforcer ; et le Enhanced Conditions Credit Line With Sovereign Partial Risk Protection (ECCL+),
les critères à remplir sont similaires au ECCL mais ce type de crédit sert
davantage à protéger un pays contre un risque de défaut sur ses titres
souverains.[3] Ces lignes peuvent atteindre 2 à 10 % du PIB
du pays bénéficiaire et leur durée est d’une année, renouvelables de six mois,
à deux reprises.
La structure du
FESF a progressivement évolué afin de mieux prendre en compte la conjoncture
économique de la Zone Euro et de répondre aux attentes des pays. C’est pourquoi
à partir du 21 juillet 2011, son rôle élargi consistait également
à : financer la recapitalisation des établissements financiers via
des prêts aux gouvernements et intervenir sur le marché de la dette (primaire
et secondaire) pour acheter des titres souverains, ses achats ne pouvant
dépasser 50% du montant total émis.
… Finalement assez limitée
Pour rendre possible cette extension, il
a alors paru nécessaire d’augmenter les capacités de financement du fonds.
Atteindre une capacité de 1000 milliards d’euros était préconisé pour assurer
la stabilité de la zone (c'est-à-dire être en mesure de fournir une aide à des
pays comme l’Espagne ou l’Italie en cas de besoin) et espérer encaisser
d’éventuels chocs négatifs. Trois types d’outils ont été conçus pour y
parvenir : l’utilisation d’un effet de levier, l’utilisation des Collateralized debt
obligations plus connu sous l’appellation CDO
(ce qui est très paradoxal, quand on sait qu’ils ont été à la base de la crise
et qu’ils participent
à augmenter les spreads…) ou encore le passe par un
Co-Invesment Fund qui combinerait des
fonds publics et privés pour financer les Etats et les banques.
Toutefois même avec l’instauration,
depuis juillet 2012, de tels outils, l’objectif des 1000 milliards semble
inatteignable. De plus, initialement à sa création, le FESF était noté triple A
par les agences de notation, mais cette note était maintenue uniquement si le
fonds était couvert par des garanties des pays contributeurs, eux-mêmes notés
triple A. Par conséquent, dès qu’un pays voit sa note se dégrader,
automatiquement la capacité de prêt du FESF est réduite proportionnellement à
la part de ce pays dans la contribution totale, car les capitaux qu’il apporte
au fonds ne peuvent plus être considérés comme des garanties suffisamment
sûres. La dégradation de la note de la France a donc conséquemment affecté la
capacité de prêt du FESF. Au final, seulement 58% des garanties bénéficient
aujourd’hui de la notation triple A, ce qui est largement insuffisant. Sa force
de frappe n’était donc plus que de 148 milliards d’euros (440 initiaux moins
près de 292 en plans d’aide). Ainsi, si jamais un pays aussi important que l’Italie
devait avoir recours aux mécanismes de stabilité européenne, ni le FESF ni le
MESF ne pourraient lui garantir une aide.
L’insuffisance de sa capacité de prêt et
sa trop forte dépendance aux variations des notations de ses pays membres ont
souligné les limites du FESF, ainsi que du MESF, pour retrouver une certaine
stabilité européenne et encore moins de l’assurer dans les années à venir.
Malgré les sommes apportées aux pays en difficultés, les améliorations qu’ils
ont enregistré et le signal que ces mécanismes envoient au marché pour montrer
qu’une certaine solidarité européenne existe en Zone Euro pour maintenir et
soutenir ses membres, il n’en reste pas moins que la stabilité reste très
limitée. Ces deux dispositifs devraient poursuivre et achever les missions
jusqu’à la mi 2013 tandis que le MES doit maintenant prendre le relais. Il
semble être plus robuste et plus complet pour aider les Etats à se financer à
moindres coûts sur les marchés financiers tout en essayant de rassurer ces
derniers, la où le couple MESF/FESF a un peu échoué, quand on voit
l’augmentation des spreads de certains pays et le scepticisme persistant à leur
égard.
Le MES, plus grand, plus fort
Le MES est donc
récemment entré en action en octobre dernier et devrait être amené en principe
à conduire peu à peu la Zone Euro vers plus de stabilité et de soutenabilité.
Il ne possède pas le même statut que les deux anciens mécanismes (qui étaient
des sociétés anonymes), car il est une institution financière internationale. Il
dispose d’un capital de 700 milliards d’euros, constitué d’un capital appelable
(devant jouer le rôle de garantie) à hauteur de 620 milliards d’euros et d’un
capital libéré de 80 milliards d’euros (soit 11,4% du total). Sa capacité de
prêt maximale est initialement fixée à 500 milliards d’euros (soit une cible de
levier de 500/700= 71,4% à maintenir quoi qu’il arrive).
Ce capital
libéré est immédiatement disponible par le MES, qui doit maintenir un ratio de
15% entre le capital versé et l’encours des émissions (dans le cas d’un
programme d’aide). Cet objectif du maintien du ratio, ainsi que le fait que le
MES empruntera sur ses propres capitaux propres, assurent le maintien de la note triple A du
MES, en dépit de la dégradation de la note de certains de ses membres, ce qui
présente un atout majeur par rapport au FESF.
Concernant la
contribution des membres, le calcul est similaire à celui opéré dans le cadre
du FESF, où chaque Etat apporte une part équivalente à sa clé de contribution
BCE. La partie du capital libéré est à payer en cinq annuités égales à compter
de juillet 2012. Un pays comme la France a choisi de verser dès à présent deux
de ses versements, soit 6,52 milliards d’euros. Il était question que les
autres pays en fassent de même pour accélérer la mise en place du MES. Il est
très important ici de noter que tous ces versements n’affectent pas le solde
public (sauf dans le cas de versements complémentaires visant à couvrir
d’éventuelles pertes du MES) et sont considérés comme des prises de participation
des Etats mais dégradent la dette publique. Quant aux parts appelables, soit près de
126,4 milliards en France, 168,3 milliards en Allemagne ou encore 111,1 en
Italie, pour ne citer que ces pays,
elles constituent des garanties et sont perçues comme des prêts et ne peuvent
donc être comptabilisées dans la dette.
Pour les Etats
ayant, au cours de l’année précédant leur adhésion au MES, un PIB par habitant
inférieur à 75% de la moyenne de l’Union Européenne (attention, pas de la Zone
Euro), ils pourront bénéficier d’une correction temporaire de leur
participation de douze ans[4],
répercutée sur les autres pays membres. Mais cela ne devrait être le cas
d’aucun pays de la Zone Euro qui sont largement au dessus de cette moyenne,
même si la trajectoire de ce ratio pour la Grèce est descendante, elle dispose
d’une petite marge avant d’atteindre cette limite.
Le volet bancaire, encore des attentes
Au niveau des
missions du MES, elles ne diffèrent pas vraiment de celles du FESF : il
doit apporter une aide financière sous forme de prêts, de lignes de crédit (du
même type que celles évoquées plus haut) et acheter des titres émis par un
membre sur le marché primaire ou effectuer des opérations sur le marché
secondaire. Le FESF ne portant que sur le marché secondaire, le fait d’acheter
directement sur le marché primaire est
une importante avancée du MES. Un autre volet très important concerne
l’assistance financière auprès des banques. Toutefois il faudra encore attendre
l’instauration d’un superviseur bancaire unique ou European Single Supervisory Mechanism (ESSM, encore un nouvel
acronyme, vive l’Europe), sous le contrôle de la BCE. Cela devrait être le cas
autour de janvier-mars 2013.
Malheureusement
les négociations prennent du retard pour plusieurs raisons : l’harmonisation
bancaire est tout d’abord longue avec des pays comme l’Allemagne freinant le
processus en essayant d’éviter certaines restrictions et règles à l’égard de
ses banques régionales, mais surtout l’ESSM ne sera pas uniquement pour la Zone
Euro mais pour l’UE dans son ensemble. Les pays ne partageant pas la monnaie
unique sont peu enclins à voir passer la supervision de leurs banques par la
BCE, ce qui peut se comprendre. Un pays comme le Royaume-Uni ne semble pas
vouloir suivre la voie de la BCE, connue pour être très (trop ?) rigoriste
sur la («sacro-sainte ») stabilité des prix et son (hyper)aversion à
l’inflation, d’autant plus qu’elle possède sa propre Banque Centrale
indépendante et ses propres objectifs en termes de politique monétaire.
On peut imaginer
qu’un pays comme l’Espagne tarde à demander l’aide du MES, notamment à cause du
ralentissement des négociations. Certes ce n’est pas la seule raison, les
élections régionales, étapes décisives avant de décider le budget, n’ayant pas
eu encore lieu (le 29 novembre en Catalogne) obligent l’Espagne à attendre. De
plus elle ne voudrait pas envoyer un trop mauvais signal au marché en appelant
à l’aide, car elle espère tirer les fruits de ses nombreux ajustements
structurels (marché du travail, hausse de la TVA, retour à la compétitivité)
avant d’éventuellement tirer la sonnette d’alarme, ce que les marchés
pourraient interpréter comme une impuissance intrinsèque de son économie.
Toutefois malgré des résultats au niveau des stress test de ses banques moins désastreux que prévus (un besoin
de près de 60 milliards d’euros, au lieu des 100 milliards attendus), datant du
mois d’octobre, le système bancaire espagnol reste très affaibli suite à la
crise. Une intervention du MES, via le Fondo de Reestructuración Ordenada Bancaria
(FROB), pour recapitaliser les banques semble urgente voire déterminante.
Le
MES et les cas des restructurations
Le traité instituant le MES stipule qu’il dispose d’un statut sénior[5]
par rapport aux autres créanciers, en cas de restructuration (le FMI restant le
créancier privilégié, même face au MES). En revanche, au cas où le MES serait
autorisé à récupérer les prêts fournis par le FESF (non sénior), ces derniers
conserveront leur statut. Pour ces pays, déjà sous programme FESF, les nouveaux
prêts débloqués par le MES continueront de bénéficier du même régime que
précédemment (non séniorité). Etant donné que les investisseurs privés, ne sont
pas considérés comme pari passu vis-à-vis
du MES, les titres émis par un pays, sous programme MES, seront dès lors moins
attractifs. On pourrait imaginer un changement de statut du MES à cet égard,
pour attirer les investisseurs, mais cela nécessiterait une modification du
traité par tous ses membres.
Pour faciliter une éventuelle restructuration de la dette d’un pays et
éviter qu’elle ne soit désordonnée et ralentie par les négociations et les
revendications des différents partis, le MES a pris certaines mesures. A partir du 1ER
janvier 2013, l’instauration de clauses d’actions collectives (CAC) devrait
permettre d’organiser, ex ante, de
telles restructurations, concernant des titres dont la maturité est supérieure
à 1 an. Un
CAC est un groupe de créanciers privés pouvant représenter de 1/3
à ¾ du total des porteurs de titres souverains. Ainsi créé, il laisse l’opportunité de
négocier en « écrasant » une minorité qui irait à l’encontre de la
restructuration. La garantie d’avoir une restructuration efficace, organisée et
réussie devrait en principe rassurer les investisseurs[6],
ce qui contribuerait à baisser les spreads, vis-à-vis du bund allemand, sur les dettes souveraines et donc les coûts
d’emprunts pour les Etats ayant recours au MES et au CAC pour l’émission de
leurs obligations.
Il semble difficile de savoir si le passage à des CAC ne comporte que des
éléments positifs et réduirait effectivement bien les coûts d’emprunts pour les
Etats. Partir du principe qu’une restructuration est envisageable pour la dette
d’un pays, envoie un signal très négatif au marché. En effet, la
probabilité d’un défaut, même partiel, d’un Etat sur son stock de dette,
augmente et devrait désinciter les investisseurs à acheter les titres émis par
cet Etat. La création de CAC devient alors quasiment synonyme de
restructuration inévitable et les spreads sur ces titres augmentent
automatiquement. De plus on pourrait imaginer que les créanciers membres d’un
CAC, disposant d’un pouvoir de négociation accru, pourraient contrecarrer le
vote de décision d’une restructuration ou encore menacer la position de
séniorité des FMI/MES.
Des
nouveaux problèmes à venir ?
Même si dans l’ensemble le MES est un dispositif plus efficace, plus
important et plus robuste que ses prédécesseurs, plusieurs interrogations
subsistent au niveau de son évolution et de sa capacité réelle à aider les
pays, tout en leur permettant de se financer à moindres coûts sur les marchés.
Avant même sa création, plusieurs économistes préconisaient qu’un fonds
européen de stabilité financière devait, s’il voulait vraiment assurer une
stabilité totale et durable, jouer le rôle de prêteur en dernier ressort (PDR).
Il avait été alors question que le MES puisse se voir accorder une licence
bancaire par la BCE afin qu’il puisse tendre vers ce rôle d’intermédiaire
financier et bancaire et devenir un pseudo PDR.
Cela ne fut finalement pas le cas, et on peut s’attendre à ce que le MES
rencontre prochainement les mêmes difficultés que le FESF, dans le cas où
l’Espagne et l’Italie demandent simultanément de
l’aide. Le MES ne pourrait pas émettre suffisamment de titres pour ces deux
pays à la fois. De plus, si jamais cela se réalisait, cela affecterait les
finances publiques de la France et de l’Allemagne qui se retrouveraient en
principaux contributeurs du fonds. Une situation de panique généralisée
apparaitrait et dès lors la capacité du MES à émettre des obligations
risquerait d’être fortement remise en cause et il pourrait alors réaliser des
pertes. D’où la nécessité que les pays s’engagent à se doter de règles
budgétaires contraignantes (l’austérité) dans les plus brefs délais. Or en
s’imposant de telles contraintes, il y a un risque évident d’étouffer la
croissance (ou les éventuels potentiels de croissance) ainsi que tout espoir de
reprise. Les politiques d’austérité, de baisses des dépenses et de hausses des recettes,
obtiennent donc des résultats très mitigés et malgré les réformes et les
multiples efforts entrepris, cela est vain. Les pays ne rassurent pas les
marchés et ne payent pas forcément des spreads moins élevés, comme en Espagne
ou au Portugal. L’intervention du MES auprès de ces pays risque de se prolonger
dans le temps, ce qui n’est pas vraiment l’objectif souhaité.
Le MES présente un avantage évident pour un pays qui bénéficie de son
aide : il doit payer des spreads moins elevés que dans la situation où il
essaye de se financer sur les marchés, sans aides. Ces spreads moins elevés
devraient attirer les investisseurs à la recherche d’actifs plus ou moins sûrs,
qui dégagent un peu de rendement, tout en étant garantis par le gage de
sécurité apporté par le MES. Cette recherche du rendement à un risque moins
élevé, pourrait rendre moins attractifs les titres émis par des pays n’ayant
pas recours au programme du MES. Malgré des fondamentaux économiques plus
sains, un pays hors programme peut alors se retrouver en difficulté pour
émettre ses propres titres, en raison de cet arbitrage effectué par les
investisseurs.
L’OMT,
complément idéal du MES ?
L’introduction de l’Outright
Monetary Transactions (OMT) par la BCE pourrait être le complément idéal du
MES et régler certaines problématiques. Le MES ne pouvant être un PDR et ne
disposant assurément pas d’assez de fonds pour aider simultanément des pays
comme l’Espagne et l’Italie, l’achat d’obligations souveraines sur le marché
secondaire de manière illimitée par la BCE dans le cadre de l’OMT, parait être
le chaînon manquant de la stabilité financière en Zone Euro.
Pour pouvoir bénéficier du programme OMT, un pays doit dans un premier
temps être sous programme auprès du FESF/MES, ou avoir recours au programme de
précaution, du type ECCL ou PCCL. La BCE dispose d’un statut pari passu, ce qui marque un changement
majeur par rapport à l’ancien programme Securities
Market Programm (SMP). Les deux mécanismes sont donc étroitement liés.
Toutefois, l’OMT n’est pas si illimité, car il ne concerne que les obligations
souveraines de courte maturité, jusqu’à trois ans. C’est une première forme de
soutien au dispositif de stabilité mais les éventuelles difficultés que
rencontrera le MES, concerneront davantage les émissions de titres à maturité
plus longues. De plus, comme l’a annoncé Mario Dragui le 4 octobre
dernier : « Les
OMT ne s'appliquent pas aux pays […] tant qu'un accès intégral au marché n'a
pas été ouvert, et ceci parce que les OMT ne se substituent pas à un manque
d'accès au marché primaire. » ; un pays comme le
Portugal ne peut donc avoir accès à l’OMT, étant donné qu’il n’arrive pas à
émettre sur le marché primaire à des maturités longues.
Le
MES et l’OMT agiront donc de concert pour être le plus efficace possible, au
niveau de leurs interventions, tant sur le marché primaire que secondaire. Même
si jusqu’à maintenant, le manque de gouvernance au sein de la zone nous a
cruellement fait défaut, l’Europe est certes dans un état critique mais pour
autant des pays comme les Etats-Unis ou le Japon ne sont pas forcément mieux
lotis, avec certains problèmes structurels profonds, malgré l’absence d’une
diversité aussi forte que dans la Zone Euro. On peut donc espérer que toutes
ces mesures et dispositions soutiendront les pays de la Zone Euro et enverront
un message fort au marché, celui d’une certaine cohésion et solidarité
européenne, éléments incontournables pour assurer à l’avenir la stabilité et la
pérennité de la Zone Euro.
Victor Lequillerier
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[1]
Traité
sur le fonctionnement de l’Union Européenne (TFUE ), alinéa 2 de l’article
122 : Lorsqu'un État membre connaît des difficultés ou une menace sérieuse
de graves difficultés, en raison de catastrophes naturelles ou d'événements
exceptionnels échappant à son contrôle, le Conseil, sur proposition de la
Commission, peut accorder, sous certaines conditions, une assistance financière
de l'Union à l'État membre concerné
[2]
La
dette d’un Etat est restructurée, dans le cas où ce dernier fait défaut
partiellement, c’est-à-dire qu’il n’est pas en mesure de rembourser une partie
de sa dette. Dès lors les investisseurs reçoivent un remboursement inférieur à
ce qu’ils ont avancé mais proportionnel au montant de leur prêt.
[3]
Désolé
si cette description des lignes de crédit peut sembler longue et fastidieuse
(elle l’est) mais comme on le verra plus tard, joue un rôle tout aussi
important dans le cadre du MES et de l’intervention de la BCE.
[4] Cf l’article 42 du traité : […]
correction de sa clé de contribution BCE temporaire de 25% de sa part détenue
par sa banque nationale dans le capital de la BCE et 75% de sa part dans le RNB
de la zone euro.
[5]
Un
investisseur dispose d’un statut senior quand il est un créancier privilégié en
cas de restructuration de la dette. C'est-à-dire qu’on ne peut pas faire défaut
partiel sur les sommes qu’il a prêté et que l’intégralité doit lui être
remboursée.
[6]
Il
vaut mieux prévenir que guérir !
Petites questions:
RépondreSupprimer- les lignes de crédit sont elles financées à partir du FESF ou sont à part ?
- "les versements du capital appelé n'affectent pas le solde public" comment cela est-il possible ? cela signifie-t-il que le capital du MES est une simple "promesse de déboursement si nécessaire" ?
Et je ne comprends pas pourquoi la capacité maximale est de 500 milliards d'€ alors qu’on peut aller jusqu’à 700 milliards de capital que fait-on des 200 milliards restants ? Egalement est-ce que la différence entre les prêts et le capital appelé (500max - 80) est de la dette prise sur le marché comme pour le FESF ?
Les lignes de crédit sont effectivement bien financées par le FESF.
RépondreSupprimerPour la question sur le capital appelable n’affectant pas le solde public, un passage du texte l’explique : « Quant aux parts appelables […] elles constituent des garanties et sont perçues comme des prêts et ne peuvent donc être comptabilisées dans la dette. ». Je ne sais pas trop en quoi consiste une « promesse de déboursement si nécessaire » mais en tout cas ce type de capital est considéré comme une opération financière, comme un prêt international, et ne rentre dès lors pas en compte dans le calcul du montant de la dette.
La cible de levier de 71,4 étant quoi qu’il arrive à maintenir, on ne peut dépasser la capacité maximale de prêt de 500 milliards d’euros. Cela constitue une sorte de précaution, ou de garantie, supplémentaire pour le fond. De plus il ne faut pas oublier que sur les 700 milliards 80 constituent des garanties.
Je ne suis pas certain de bien comprendre la question « la différence entre les prêts et le capital appelé (500max - 80) est de la dette prise sur le marché comme pour le FESF ? » ? Le MES a pour mission de poursuivre les actions du FESF, en ayant une marge de manœuvre plus importante tout en incluant un volet bancaire de grande envergure.
D'accord merci.
SupprimerPardon pour la deuxième question je voulais parler du capital versé et non pas du capital appelable, lorsqu'il est dit :
"La partie du capital libéré est à payer en cinq annuités égales à compter de juillet 2012. Un pays comme la France a choisi de verser dès à présent deux de ses versements (...) Il est très important ici de noter que tous ces versements n’affectent pas le solde public (sauf dans le cas de versements complémentaires visant à couvrir d’éventuelles pertes du MES) et sont considérés comme des prises de participation des Etats mais dégradent la dette publique"
Je ne comprends pas comment le versement de la France par exemple peut affecter sa dette publique sans affecter son déficit public ? S'il y a déboursement effectif des fonds pourquoi ne dégraderaient-ils pas le solde public ?
Après relecture, je crois avoir compri pour le capital appelable. Le MES émet sur le marché (comme le FESF), et s'il y a des problèmes de solvabilité suite aux prêts effectués les créditeurs du MES peuvent se tourner vers le "capital appelable" de sorte à ce qu'ils ne supportent aucune perte, est-ce bien cela le rôle de garanti décrit ici ? Le montant de 700 milliards de garantie est-il supérieur à la capacité de prêt maximale (500) pour tenir compte du fait qu'un pays en difficulté ne versera pas sa part de capital appelable ?
Désolé de répondre avant tant de retard.
RépondreSupprimeril m'est assez difficile de fournir une réponse claire à propos de la prise en charge du type de capital? déboursé par les Etats? dans les comptes publiques. La raison est purement comptable, même si cela peut paraître très flou, mais les prises de participation des Etats ne peuvent être comptabilisés dans le déficit, selon les textes.
Pour le rôle de garanti, c'est exactement l'idée derrière le capital appelable.
Par contre le montant de 700 milliards doit toujours être supérieur à la capacité de prêt maximale, non pas pour prendre en compte les difficultés d'un pays à verser son capital appelable, mais pour respecter l'objectif de levier, forme de garantie qui assure la stabilité du MES en temps qu'institution. Le but étant d'éviter que le MES puisse se retrouver sous-capitalisé et dès lors s'attirer les foudres du marché. Déja que Moody's a fait des siennes en dégradant la note du MES (après la dégradation de la note française) chose qui semble très surprenante, peu de personnes ayant vraiment compris pourquoi, car le fonds est normalement protégé de la baisse de la notation de ses contributeurs. Mais S&P et Fitch, ce qui montre bien l'excès de zèle de Moody's
D'accord merci.
RépondreSupprimerSur le premier point, je peux à la limite comprendre que les prises de participation ne soient pas comprises dans le déficit, mais dans ce cas il m'est encore plus difficile de comprendre pourquoi elles seraient non incluses dans le déficit et incluses dans la dette publique, qui n'est autre que la somme des déficits financés par dette accumulés sur plusieurs années. Comment cela est-il expliqué dans le traité car je n'ai pas réussi à trouver ?
Sur le deuxième point, d'accord, mais d'où peut venir une éventuelle instabilité du MES ? La seule possibilité que je vois est une difficulté des pays à verser leur capital appelable, d'où le montant de 700 milliards supérieur à 500 à mes yeux. Je ne vois pas quels autres facteurs pourraient jouer ?
Quant à la dégradation du MES de Moody's, qu'est-ce qui assure la protection de la note du MES suite à la baisse de notation des contributeurs ? Si l'Espagne venait à rencontrer de gros problèmes suite à une intervention du MES, cela poserait un problème à l'actif du MES (pertes) et à son passif (perte des créditeurs si l'Espagne et d'autres pays ne pourraient verser leur capital appelable). D'où pour moi une corrélation de fait. Après je ne sais pas si les montants en question pourraient rendre ce scénario crédible. Mais dans tous les cas le déclenchement d'un OMT rendrait lui ce scénario non crédible, et dans ce cas la réaction de Moody's semble, je suis tout à fait d'accord, difficile à comprendre.