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La clé d’un marché économique
équilibré est la circulation de l’information. En cas d’asymétrie d’information
entre différents intervenants, le prix d’équilibre sera difficilement atteint. En
effet, les agents économiques pratiquent alors la méthode de la sélection
adverse : pour minimiser les risques, le consommateur n’est pas prêt à
payer un produit cher, même si celui-ci est d’excellente qualité. Akerlof, Prix
Nobel d’économie en 2001, a très bien expliqué ce mécanisme dans son marché des
épaves (« market for lemons » en version originale). En situation
d’information imparfaite, cas où le consommateur n’est pas capable de
reconnaitre les bonnes voitures des mauvaises, celui-ci refusera de payer plus
que le prix moyen des échanges. Les vendeurs de bonnes occasions, privés de
clients, quitteront alors le marché. Les acheteurs, constatant alors que seuls
des épaves restent à vendre, sortiront à leur tour du marché, conduisant à sa
mort. Un raisonnement similaire est applicable au marché bancaire, qui souffre
d’une forte asymétrie d’information.
Premièrement, l’asymétrie est forte
au moment de l’émission du prêt. En effet, initialement le prêteur ne dispose
que de très peu d’informations sur l’emprunteur (comptes annuels ou contrat de
travail pour une personne physique), tandis que ce dernier dispose de moins
d’opacité sur ses perspectives futures. Dans ce cadre, la sélection des financements devient difficile, avec un risque de
forte réduction voire de rationnement des prêts. Un particulier pourra
difficilement calibrer un modèle répondant parfaitement au besoin de sa contrepartie,
compétence mise à disposition par le métier bancaire à ses clients.
Deuxièmement, une fois le prêt
accordé, un suivi régulier doit être
mis en place pour éviter le détournement des fonds ou tout simplement s’assurer
du remboursement. Ce suivi entraîne des coûts de contrôle, qui peuvent être
très élevés en comparaison des intérêts perçus. Selon la théorie de Diamond et
Dybvig (1983), la banque regroupe ces opérations de contrôle, ce qui permet de
diminuer fortement les coûts. Dans un milieu où les marges peuvent s’avérer
serrées, les économies d’échelle sont non négligeables. Ce point est d’autant
plus vrai que les banques peuvent mettre en place une relation de long terme
avec les emprunteurs.
Troisièmement, les banques
permettent une mutualisation des risques.
Un particulier devrait sans doute mobiliser une grande partie de ses ressources
pour financer une contrepartie, tandis que la banque diversifie le risque de
défaillance. Avec l’asymétrie d’information, la diversification du risque est
le deuxième point clé de l’utilité des banques.
Enfin, les banques concourent à la
transformation de dépôt de court terme
en prêt de long terme. En effet, les prêts nécessitent de pouvoir mobiliser
l’argent sur une période longue, sans renégociation possible. La gestion de la
liquidité devient alors une compétence clé, élément parfaitement maîtrisé par
les banques.
Toutefois,
l’existence des banques ne résout pas complètement le problème de l’asymétrie
d’information. Nous dirons plutôt que la banque reporte le problème de la rente
informationnelle entre le prêteur et l’emprunteur vers la relation épargnants –
intermédiaire financier. En effet, ces derniers ne réalisent pas une analyse
financière approfondie de la santé des établissements où ils déposent leur
argent. En cas d’incident relié par les médias, ils peuvent être tentés de
retirer précipitamment leurs dépôts, dans un phénomène de ruée aux guichets. Ce
mouvement est terrible pour les banques en difficulté, qui se voient alors
retirer une partie de leurs ressources sans pour autant pouvoir diminuer leurs
emplois (cas extrême de Northern Rock par exemple). Pour contrer ce phénomène,
le régulateur a inséré plusieurs mécanismes : règlementation des banques
avec les règles du comité de Bâle, obligation de publication régulière des
banques mais aussi et surtout un mécanisme de garantie de dépôt. Concrètement,
les banques paient chaque mois une cotisation à un fonds d’assurance qui remboursera
les épargnants en cas de faillite. Ce mécanisme, bien pensé, a pour objectif de
dissuader les déposants de paniquer, tout en ayant un aspect curatif puisque
qu’il permet une indemnisation réelle.
En conclusion, même si les
banques sont critiquées par une partie de l’opinion publique qui considère leur
rôle d’intermédiation comme futile, elles présentent toutefois des avantages
clés pour l’économie : sélection des financements, contrôle des
emprunteurs, diversification des risques, transformation des dépôts. Bien
entendu, le financement désintermédié présente ses propres avantages, mais on
ne peut réellement critiquer les banques pour leur activité d’intérmédiation. Sans
elles, le financement de l’économie se verrait atrophié, avec les conséquences
que l’on imagine sur la croissance. Toutefois, leur utilité économique ne
dispense pas pour autant d’un renforcement de la supervision du système
bancaire et d’une réflexion sur le modèle actuel intégrant activités de marché
et de détails sous la même entité. Mais ce point pourra faire l’objet d’un
autre article.
Benjamin Roger et Loïc Morand
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