19 févr. 2011

Négociations salariales et taux de chômage d'équilibre

Deux explications du taux de chômage d’équilibre co-existent : le NAIRU (Non Accelerating Inflation Rate of Unemployment) où le salaire réel reste stable ainsi que l’inflation, et le modèle WS/PS de Layard, Nickell et Jacman (1991). Ce dernier fait référence à un taux résultant de deux courbes. La première (wage setting ou WS) montre l’évolution du salaire réel comme fonction décroissante du taux de chômage. La seconde (price setting ou PS) est une fonction croissante de P/W (prix sur salaire nominal) du taux de chômage. Si l’économie se porte de mieux en mieux, le chômage diminuera d’autant induisant une baisse des salaires. Le rapport des prix sur les salaires augmentera donc, d’où la relation croissante. Sans s’étaler sur le modèle, on retiendra aussi que le wage setting (WS) correspond à une demande de salaire nominal assurant un niveau de salaire réel suffisant ce qui induit que la courbe soit aussi une fonction croissante du salaire de réserve (salaire minimum par exemple, plus celui-ci sera élevé, plus les attentes monétaires en termes de salaire seront importantes). Enfin le price setting (PS) correspond au salaire réel que les entreprises sont prêtes à payer compte tenu du coût anticipé du travail et de l’activité. Les présentations faites, venant en au sujet.
A la différence du NAIRU, le modèle WS/PS suppose que les agents intervenants dans son mécanisme optimisent leurs intérêts. Aussi dans le cadre d’un marché du travail, les négociations entre syndicats et entrepreneurs rendent ce dernier imparfait. Comment expliquer le jeu des négociations salariales ? Pour répondre à la problématique, nous prendrons appui sur les travaux de John Nash (1950) portant sur les interdépendances stratégiques entre deux agents portant chacun au bénéfice ou à la perte. En outre, dans le développement qui suit, il s’agira successivement d’un équilibre soit coopératif, soit non coopératif.
Dans le premier cas, les syndicats (courbes d’iso-utilité) cherchent à maximiser la demande de travail de l’entreprise et augmenter les salaires, tandis que l’entreprise (courbes d’iso-profit) suivra une logique rationnelle de maximisation de son profit. Aussi, plus la courbe d’iso-utilité sera éloigné de l’origine, plus les syndicats seront satisfaits. Plus la courbe d’iso-profit sera proche de l’origine, mieux ce sera pour les entreprises. En outre, la courbe des contrats représentent l’ensemble des couples optimaux, de sorte qu’il ne soit pas possible d’améliorer la situation d’un des deux agents, sans déteriorier la situation du second. Nous voici en présence d’une négociation parétienne, au sens du théorème du bien-être. C’est l’optimum.
Dans le second cas, les syndicats souhaitent voir augmenter les salaires, l’entreprise dispose du droit à gérer soit fixe le nombre d’emploi voulu. Ainsi, il n’y aurait plus nécessairement de point de tangence entre les deux courbes. Si les syndicats souhaitent des salaires élevés, l’entreprise maximisera son profit au point A en décidant une faible demande de travail. Dans le cas inverse, l’entreprise maximisera tout autant son profit au point B. La situation n’est plus parétienne.
Alors quel modèle choisir ? Blanchard et Philippon montre en 2004 que la relation décroissante entre le taux de chômage et la qualité des relations entrepreneurs-salariés tend à soutenir le premier mode de négociation. Mais celui-ci est, dans les données, très limitée car seulement 5% des négociations en entreprises portent sur l’emploi. Calfors et Driffil en 1988 montre que le mode de négociation dépendra du degré de centralisation des négociations salariales. Si celui-ci est élevé, le syndicat privilégiera l’emploi et non le salaire, on se retrouve dans le premier cas. Si celui-ci est faible (décentralisation), le surplus résultant d’une situation de concurrente imparfaite est nulle, il n’y a pas de négociation possible. Aussi, dans une situation intermédiaire entre ces deux situations où le degré de centralisation des négociations salariales ne serait ni trop fort ni trop faible, le partage du surplus se ferait au profit des salaires et d’un emploi plutôt faible. La relation entre degré de centralisation des négociations et taux de chômage peut être représentée graphiquement. Empiriquement, cette relation a été vérifiée que rarement.
Ce que nous apprend alors le modèle WS-PS via ces deux cas de négociations salariales est que ces dernières dépendront du pouvoir de marché de l’entreprise soit de sa capacité à dégager du profit compte tenu de sa situation sur le marché des biens et services. Plus l’élasticité prix de la demande sera faible, plus le surplus augmentera (exemple : cas des compagnies pétrolières actuellement – voir l’article de Paul Krugman). Ainsi, le modèle et les études de Blanchard et Giavazzi en 2003 soutiennent que déréguler les marchés des biens et services se traduira pas une baisse du taux de chômage. Cette libéralisation et mise en concurrence dérégulera le marché du travail ce qui par exemple tendra à faire diminuer le salaire réserve et donc à limiter la fonction croissante entre niveau de salaire négocié et salaire minimum.
Le chômage d’équilibre dépend de nombreux facteurs, notamment de l’organisation du marché du travail dont dépendent les négociations salariales. Agir sur ce dernier est déjà une condition pour mieux mesurer le taux d’actifs non occupés à long terme. Une première étape nécessaire pour déterminer la place des politiques de régulation de la demande dans la lutte contre le chômage.

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