27 juil. 2012

BCE & Croyez-moi, ce sera suffisant

«La BCE est prête à faire tout ce qui est nécessaire pour préserver l'euro. Et croyez-moi, ce sera suffisant »

Les annonces de Mario Draghi une semaine avant le prochain communiqué de la BCE (jeudi 2 août) ont soulagé les marchés financiers, notamment par une valorisation des actions du secteur bancaire et une baisse du taux de rendement obligataire sur les dettes souveraines. Ces déclarations, attendues depuis longtemps, révèlent un comité de décision à la BCE explicitement disposé à soulager autant que nécessaire les taux sur les dettes souveraines et à discuter « sans tabou » des possibilités offertes en termes de mesures non-conventionnelles.

Actuellement, le taux d'intérêt directeur est de 0,75 point après la baisse de 0,25 point le mois dernier. Le taux de dépôt, qui rémunère les banques disposant de liquidités non prêtées sur le marché interbancaire à des taux proches du taux directeur, est de 0. Concrètement, une banque qui place sa liquidité auprès de la BCE n'est plus rémunérée. Elle est donc incitée à prêter à d'autres banques à un taux qui lui est moins avantageux. Le taux de la facilité de prêt permanent, à 1,75 permet aux banques n'ayant pas eu recours au marché interbancaire (dont le benchmark est le taux d'intérêt directeur) d'emprunter des liquidités, à ce même niveau de taux, auprès de la BCE.

Trois solutions existent aujourd'hui. La première est que la BCE baisse son taux à 0,5 et baisse le taux de dépôt à -0.25 en négatif. L'impact d’un taux de dépôt négatif n'a jamais été mesuré en zone euro: les banques devraient payer pour placer leurs liquidités auprès de la BCE. Mais l'avantage serait que le "corridor", l'écart entre le taux d'intérêt directeur et le taux de dépôt soit maintenu à 0,5 point, ce qui rendrait autant attractif qu'aujourd'hui, pour les banques commerciales, la mise à disponibilité de leurs excédents sur le marché interbancaire.

La seconde solution est que la BCE baisse son taux à 0,5 et maintienne son taux de dépôt à 0, ce qui resserrerait le corridor. L'écart peut ne plus justifier la prise de risque prise par les prêteurs qui préfèreront déposer leurs liquidités plutôt que de prendre le risque de prêter au taux directeur. L'arbitrage rendement-risque pèserait donc et pourrait avoir l'effet inverse de celui escompté le mois dernier lors de la première baisse des taux: faciliter le fonctionnement du marché interbancaire.

La troisième solution est que la BCE baisse son taux de dépôt à -0.25 point sans baisser son taux directeur. Cela semble peu probable et les effets pourraient être quasi-nuls puisque d'une part il s'agira d'une politique jamais initiée par l'autorité monétaire européenne, et d'autre part si l'incitation aux banques à prêter aux marchés interbancaire pourrait augmenter (hausse du corridor), la nouvelle pourrait être perçue comme insuffisante au vu du risque déflationniste qui pèse sur les économies européennes et surtout des fortes attentes du marché concernant l’intervention de la BCE. Cela amenerait alors les investisseurs à corriger à la hausse le risque obligataire sur la dette souveraine et donc augmenterait le rendement exigé par les prêteurs.

Au-delà de cette possible baisse des taux, les propos de Mario Draghi amorcent des mesures non-conventionnelles avec une reprise du Security Market Program (SMP) pour racheter des obligations italiennes ou espagnoles sur le marché secondaire dans des volumes suffisants pour faire baisser les taux de rendement obligataires. Cette perspective est la plus probable car l'efficacité d'un LTRO serait limitée par un marché segmentée et un secteur bancaire en difficulté qui ne permettrait pas aux banques d'acheter suffisamment de dettes souveraines (notamment en Espagne avec le versement de la première tranche d'aide du plan de recapitalisation du secteur bancaire). Une troisième mesure, tout aussi probable que le SMP, est un assouplissement des garanties demandées qui mènerait soit à un desserrement des modalités dans le cas du LTRO déjà mis en place, soit à un élargissement de la gamme d'actifs éligibles pour répondre aux appels de marge.

Les investisseurs attendent un communiqué à la hauteur de leurs attentes jeudi prochain. Les propos de M.Draghi ont été très appréciés par les marchés financiers. Les prochaines mesures seraient ainsi susceptibles de calmer les marchés durant le mois d’août, une période très délicate habituellement. La réunion du FOMC (FED) le 31 juillet et le 1er août précédera l’annonce de la BCE le 2 août. Une politique d’assouplissement quantitatif aux Etats-Unis pourrait être annoncée mais pas avant le mois de septembre, certains indicateurs macroéconomiques étant encore attendus. La FED s’est en effet déclarée à « entreprendre plus d’action pour promouvoir une forte reprise de l’économie et une amélioration durable des conditions du marché du travail dans un contexte de stabilité des prix ». Le biais du comité est donc clairement vers plus d’assouplissement et le rachat de nouveaux actifs.

Arthur Jurus

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