23 juil. 2012

De l'assouplissement face au risque déflationniste: quelles perspectives pour la BCE et la FED?


Lors d'une conférence donnée vendredi dernier à Mexico (20 juillet); Benoît Coeuré a souligné que la crise européenne ne pouvait se résoudre que par la création d'institutions élaborées sur la base d'un processus démocratique et capable de faciliter la mise en place de réformes structurelles. Si la stabilité des prix a été assurée par la BCE (la volatilité de l'inflation chute alors que la volatilité des prix de l'énergie augmente depuis 1999), la politique monétaire européenne doit faire face à un affaiblissement du canal du taux d'intérêt qui ne peut être résolu que par le canal de la liquidité.
Ce dernier doit permettre de modifier les anticipations d'inflation pour ajuster les prix et les salaires et doit permettre de modifier l'offre de crédit et notamment le taux interbancaire ce qui permet ainsi d'obtenir une modification du taux d'intérêt de long terme et des effets additionnels sur le canal du prix des actifs. Des variables financières qui influenceront l'offre et la demande en biens et services mais aussi l'offre et la demande sur le marché du travail et qui favoriseront ainsi un nouvel ajustement des salaires et des prix tout en renforçant parallèlement les prix à l'importation sur l'ensemble de la zone euro.


Ces mécanismes justifient l'ensemble des actions monétaires entreprises par la BCE depuis plus de trois ans. Au cours du mois de juillet, de nouvelles mesures étaient envisageables: un troisième plan LTRO peu probable car les effets de second tour n'ont pas encore pleinement été mesurés, un nouveau SMP (programme d'achats d'actifs) peut vraisemblable quand bien même une stérilisation de l'opération serait annoncée (qui en pratique n'est pas toujours vérifiée), ou encore un élargissement des garantie demandées pour l'accès aux liquidités de la banque centrale (ce qui tend à accroître l'effet contagion du secteur bancaire par le risque de crédit). D'autres opérations peuvent aussi être annoncées mais ont aujourd'hui une probabilité plus forte: l'accord d'une licence bancaire au MES qui s'avèrerait être un programme d'assouplissement quantitatif indirect puisque le MES mutualiserait le risque en achetant des obligations de dettes souveraines et s'apparenterait à un SMP illimité mais sans subordination des investisseurs privés. A cette première possibilité s'ajoute celle d'une généralisation de la facilité de prêt d'urgence (ELA), ce qui devrait être le cas des banques grecques durant le mois d'août. Enfin, une nouvelle baisse du taux directeur est envisageable à 0,5 point. Le point d'interrogation reposerait alors sur une éventuelle baisse du taux de dépôt de 0 à -0.25 qui désinciterait, en principe, les banques commerciales à déposer leurs excédents puisque celles-ci devraient alors payer la BCE pour placer leurs liquidités. Dans tous les cas, une politique d'assouplissement quantitatif en zone euro est encore invraisemblable tant qu’aucune des opérations envisagées (SMP, LTRO, licence bancaire MES) n’est mise en application.

En revanche, un troisième plan d'assouplissement est toujours attendu aux Etats-Unis. Celui-ci pourrait être annoncé lors du prochain discours de Jackson Hole courant août et devrait porter l'attention sur deux aspects. le premier est de savoir si la FED aura l'intention, si elle décide de lancer le programme, de stériliser l'ensemble des rachats d'actifs obligataires. Le second aspect repose sur les modalités de l'application du plan, c'est-à-dire savoir si les rachats d'actifs seront déterminés ex-ante à la mise en place du programme ou progressivement ajustés selon l’évolution de la conjoncture américaine. Dans tous les cas, une telle politique visera à augmenter les anticipations d'inflation et à avoir un impact sur les investisseurs qui réalloueront leur portefeuille vers des obligations d'entreprises, voire des actions. Cette politique ne sera possible que dans la mesure où l'économie américaine se dégrade, les prochains chiffres américains pèseront lourds durant la prochaine réunion du FOMC. Enfin, au-delà de ces éventuelles annonces, une reprise de la conjoncture n'empêcherait pas les taux d'intérêt américain de légèrement remonter tout en restant proche de la zone de taux d'intérêt. On sait que la FED s'est engagée à ne pas remonter brutalement les taux avant la fin 2014 mais cela n'empêche en rien l'ajustement de 0,25 point. Ainsi, nous pouvons dégager deux cas de figures. Le premier cas est une dégradation de la conjoncture qui favorisera un assouplissement quantitatif de la politique monétaire américaine et pourrait mener courant 2013 à une légère remontée du taux directeur. Le second cas est une stabilisation de la conjoncture, donc aucune annonce d'assouplissement quantitatif, et une remontée  des taux dès le début 2013. Il n'en demeure pas moins que la politique de la FED reste crédible aux yeux des investisseurs dans un contexte où l'incertitude augmente de nouveaux en Europe suite au plan de recapitalisation espagnol. Au-delà des enjeux institutionnels, la décision du FOMC pourrait avoir un nouvel impact considérable sur la conjoncture de l'économie américaine, puis européenne et pourrait tomber à point nommé pour les économies européennes, quand bien même le MES serait enfin mis en place fin septembre.

Arthur Jurus

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