28 nov. 2012

Les banques sont-elles utiles ?



A
lors que la crise économique perdure, certains de nos concitoyens peuvent s’interroger sur l’utilité des banques dans le paysage économique. Celles-ci sont largement considérées comme responsables de la crise que nous vivons actuellement et, fondamentalement, on pourrait s’interroger sur la pertinence du rôle d’intermédiaire qu’elles occupent. Pourtant, plusieurs théories économiques justifient leur place dans la société actuelle. Analyse.




La clé d’un marché économique équilibré est la circulation de l’information. En cas d’asymétrie d’information entre différents intervenants, le prix d’équilibre sera difficilement atteint. En effet, les agents économiques pratiquent alors la méthode de la sélection adverse : pour minimiser les risques, le consommateur n’est pas prêt à payer un produit cher, même si celui-ci est d’excellente qualité. Akerlof, Prix Nobel d’économie en 2001, a très bien expliqué ce mécanisme dans son marché des épaves (« market for lemons » en version originale). En situation d’information imparfaite, cas où le consommateur n’est pas capable de reconnaitre les bonnes voitures des mauvaises, celui-ci refusera de payer plus que le prix moyen des échanges. Les vendeurs de bonnes occasions, privés de clients, quitteront alors le marché. Les acheteurs, constatant alors que seuls des épaves restent à vendre, sortiront à leur tour du marché, conduisant à sa mort. Un raisonnement similaire est applicable au marché bancaire, qui souffre d’une forte asymétrie d’information.


Premièrement, l’asymétrie est forte au moment de l’émission du prêt. En effet, initialement le prêteur ne dispose que de très peu d’informations sur l’emprunteur (comptes annuels ou contrat de travail pour une personne physique), tandis que ce dernier dispose de moins d’opacité sur ses perspectives futures. Dans ce cadre, la sélection des financements devient difficile, avec un risque de forte réduction voire de rationnement des prêts. Un particulier pourra difficilement calibrer un modèle répondant parfaitement au besoin de sa contrepartie, compétence mise à disposition par le métier bancaire à ses clients.

Deuxièmement, une fois le prêt accordé, un suivi régulier doit être mis en place pour éviter le détournement des fonds ou tout simplement s’assurer du remboursement. Ce suivi entraîne des coûts de contrôle, qui peuvent être très élevés en comparaison des intérêts perçus. Selon la théorie de Diamond et Dybvig (1983), la banque regroupe ces opérations de contrôle, ce qui permet de diminuer fortement les coûts. Dans un milieu où les marges peuvent s’avérer serrées, les économies d’échelle sont non négligeables. Ce point est d’autant plus vrai que les banques peuvent mettre en place une relation de long terme avec les emprunteurs.

Troisièmement, les banques permettent une mutualisation des risques. Un particulier devrait sans doute mobiliser une grande partie de ses ressources pour financer une contrepartie, tandis que la banque diversifie le risque de défaillance. Avec l’asymétrie d’information, la diversification du risque est le deuxième point clé de l’utilité des banques.

Enfin, les banques concourent à la transformation de dépôt de court terme en prêt de long terme. En effet, les prêts nécessitent de pouvoir mobiliser l’argent sur une période longue, sans renégociation possible. La gestion de la liquidité devient alors une compétence clé, élément parfaitement maîtrisé par les banques.

Toutefois, l’existence des banques ne résout pas complètement le problème de l’asymétrie d’information. Nous dirons plutôt que la banque reporte le problème de la rente informationnelle entre le prêteur et l’emprunteur vers la relation épargnants – intermédiaire financier. En effet, ces derniers ne réalisent pas une analyse financière approfondie de la santé des établissements où ils déposent leur argent. En cas d’incident relié par les médias, ils peuvent être tentés de retirer précipitamment leurs dépôts, dans un phénomène de ruée aux guichets. Ce mouvement est terrible pour les banques en difficulté, qui se voient alors retirer une partie de leurs ressources sans pour autant pouvoir diminuer leurs emplois (cas extrême de Northern Rock par exemple). Pour contrer ce phénomène, le régulateur a inséré plusieurs mécanismes : règlementation des banques avec les règles du comité de Bâle, obligation de publication régulière des banques mais aussi et surtout un mécanisme de garantie de dépôt. Concrètement, les banques paient chaque mois une cotisation à un fonds d’assurance qui remboursera les épargnants en cas de faillite. Ce mécanisme, bien pensé, a pour objectif de dissuader les déposants de paniquer, tout en ayant un aspect curatif puisque qu’il permet une indemnisation réelle.


En conclusion, même si les banques sont critiquées par une partie de l’opinion publique qui considère leur rôle d’intermédiation comme futile, elles présentent toutefois des avantages clés pour l’économie : sélection des financements, contrôle des emprunteurs, diversification des risques, transformation des dépôts. Bien entendu, le financement désintermédié présente ses propres avantages, mais on ne peut réellement critiquer les banques pour leur activité d’intérmédiation. Sans elles, le financement de l’économie se verrait atrophié, avec les conséquences que l’on imagine sur la croissance. Toutefois, leur utilité économique ne dispense pas pour autant d’un renforcement de la supervision du système bancaire et d’une réflexion sur le modèle actuel intégrant activités de marché et de détails sous la même entité. Mais ce point pourra faire l’objet d’un autre article.

Benjamin Roger et Loïc Morand


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