«La BCE est prête à faire tout ce
qui est nécessaire pour préserver l'euro. Et croyez-moi, ce sera
suffisant »
Les annonces de Mario Draghi une
semaine avant le prochain communiqué de la BCE (jeudi 2 août) ont soulagé les
marchés financiers, notamment par une valorisation des actions du secteur
bancaire et une baisse du taux de rendement obligataire sur les dettes
souveraines. Ces déclarations, attendues depuis longtemps, révèlent un comité
de décision à la BCE explicitement disposé à soulager autant que nécessaire
les taux sur les dettes souveraines et à discuter « sans tabou » des
possibilités offertes en termes de mesures non-conventionnelles.
Actuellement, le taux d'intérêt
directeur est de 0,75 point après la baisse de 0,25 point le mois dernier. Le
taux de dépôt, qui rémunère les banques disposant de liquidités non prêtées sur
le marché interbancaire à des taux proches du taux directeur, est de 0.
Concrètement, une banque qui place sa liquidité auprès de la BCE n'est plus
rémunérée. Elle est donc incitée à prêter à d'autres banques à un taux qui lui
est moins avantageux. Le taux de la facilité de prêt permanent, à 1,75 permet
aux banques n'ayant pas eu recours au marché interbancaire (dont le benchmark
est le taux d'intérêt directeur) d'emprunter des liquidités, à ce même niveau
de taux, auprès de la BCE.
Trois solutions existent
aujourd'hui. La première est que la BCE baisse son taux à 0,5 et baisse le taux
de dépôt à -0.25 en négatif. L'impact d’un taux de dépôt négatif n'a jamais été
mesuré en zone euro: les banques devraient payer pour placer leurs liquidités
auprès de la BCE. Mais l'avantage serait que le "corridor", l'écart
entre le taux d'intérêt directeur et le taux de dépôt soit maintenu à 0,5
point, ce qui rendrait autant attractif qu'aujourd'hui, pour les banques
commerciales, la mise à disponibilité de leurs excédents sur le marché
interbancaire.
La seconde solution est que la
BCE baisse son taux à 0,5 et maintienne son taux de dépôt à 0, ce qui
resserrerait le corridor. L'écart peut ne plus justifier la prise de risque
prise par les prêteurs qui préfèreront déposer leurs liquidités plutôt que de
prendre le risque de prêter au taux directeur. L'arbitrage rendement-risque
pèserait donc et pourrait avoir l'effet inverse de celui escompté le mois
dernier lors de la première baisse des taux: faciliter le fonctionnement du
marché interbancaire.
La troisième solution est que la
BCE baisse son taux de dépôt à -0.25 point sans baisser son taux directeur.
Cela semble peu probable et les effets pourraient être quasi-nuls puisque d'une
part il s'agira d'une politique jamais initiée par l'autorité monétaire
européenne, et d'autre part si l'incitation aux banques à prêter aux marchés
interbancaire pourrait augmenter (hausse du corridor), la nouvelle pourrait
être perçue comme insuffisante au vu du risque déflationniste qui pèse sur les
économies européennes et surtout des fortes attentes du marché concernant
l’intervention de la BCE. Cela amenerait alors les investisseurs à corriger à
la hausse le risque obligataire sur la dette souveraine et donc augmenterait le
rendement exigé par les prêteurs.
Au-delà de cette possible baisse
des taux, les propos de Mario Draghi amorcent des mesures non-conventionnelles
avec une reprise du Security Market Program (SMP) pour racheter des obligations
italiennes ou espagnoles sur le marché secondaire dans des volumes suffisants
pour faire baisser les taux de rendement obligataires. Cette perspective est la
plus probable car l'efficacité d'un LTRO serait limitée par un marché segmentée
et un secteur bancaire en difficulté qui ne permettrait pas aux banques
d'acheter suffisamment de dettes souveraines (notamment en Espagne avec le
versement de la première tranche d'aide du plan de recapitalisation du secteur
bancaire). Une troisième mesure, tout aussi probable que le SMP, est un
assouplissement des garanties demandées qui mènerait soit à un desserrement des
modalités dans le cas du LTRO déjà mis en place, soit à un élargissement de la
gamme d'actifs éligibles pour répondre aux appels de marge.
Les investisseurs attendent un
communiqué à la hauteur de leurs attentes jeudi prochain. Les propos de
M.Draghi ont été très appréciés par les marchés financiers. Les prochaines mesures
seraient ainsi susceptibles de calmer les marchés durant le mois d’août, une
période très délicate habituellement. La réunion du FOMC (FED) le 31 juillet et
le 1er août précédera l’annonce de la BCE le 2 août. Une politique
d’assouplissement quantitatif aux Etats-Unis pourrait être annoncée mais pas
avant le mois de septembre, certains indicateurs macroéconomiques étant encore
attendus. La FED s’est en effet déclarée à « entreprendre plus d’action
pour promouvoir une forte reprise de l’économie et une amélioration durable des
conditions du marché du travail dans un contexte de stabilité des prix ».
Le biais du comité est donc clairement vers plus d’assouplissement et le rachat
de nouveaux actifs.
Arthur Jurus
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