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es anticipations
des agents privés conditionnent l'utilisation des outils de politique monétaire
par les banques centrales. La politique de "forward guidance"
s'inscrit dans une stratégie de communication qui vise à influencer durablement
les anticipations sur l’évolution des prix à moyen et long terme. La politique
monétaire américaine, annoncée le 13 septembre 2012 par Ben Bernanke, repousse
la date d’une possible hausse des taux d’intérêt à mi-2015. Une mesure
nécessaire compte-tenu du risque déflationniste, des programmes de rachat
d’actifs envisagés et de la transparence de la stratégie monétaire.
Le canal du taux d’intérêt inefficace
Cet épisode est un
bon exemple de la déconnexion des anticipations futures sur l’évolution du taux
d’intérêt directeur par la sphère privée et de la stratégie des banquiers
centraux. La communication se substitue au canal du taux d’intérêt pour pallier
cette déconnexion.
Les outils assurant la transparence de la politique monétaire
Trois moyens sont
envisageables pour assurer une communication transparente. Le premier moyen est
d’utiliser des mots « codes »
lors des conférences de presse, capables de révéler implicitement les
anticipations de l’activité économique formulées par les membres du comité
décisionnaire de la politique monétaire. Cet outil de communication souffre
d’un manque d’arguments quantitatifs capables d’expliciter davantage les
perspectives de l’économie réelle.
Le second moyen est
donc d’établir un rapport quantitatif sur les prévisions économiques qui
justifierait la trajectoire future des taux d’intérêt et de l’activité réelle.
Une première condition d’efficacité sur ce second moyen est de tenir compte
d’une marge d’erreur sur ses trajectoires macroéconomiques en évitant
d’annoncer des valeurs cibles et en publiant une fourchette d’estimation.
Enfin, une seconde
condition est de proposer des scénarios alternatifs au scénario central pour
guider les anticipations des agents privés. Cependant, quand bien même ces deux
conditions seraient réunies, les prévisions ne suffiraient pas à informer des
intentions politiques des décideurs du comité de la politique monétaire.
Enfin, un troisième
moyen de communication devient nécessaire : « le forward
guidance » ou l’engagement explicite d’un niveau de taux d’intérêt maximal,
indépendamment de la marge d’erreur anticipée dans les prévisions économiques.
Ce troisième moyen explicite la stratégie de la banque centrale mais surtout renforce
sa crédibilité, donc l’efficacité des canaux de transmission de la politique
monétaire.
Une transparence plus importante depuis 2008
L’arrivée en 2006
de Ben Bernanke comme Président de la Réserve fédérale américaine, a été source
d’importants changements. Depuis 2008, le « Summary economic
projections » assure une meilleure transparence des décisions du FOMC, le
Comité fédéral, chargé de définir l’orientation de la politique monétaire
américaine. Surtout, les prévisions incluses sont établies sur une période de
trois ans, ce qui justifie la prolongation de la politique de « forward
guidance » jusqu’à mi-2015.
Cependant ces
rapports n’apportent pas d’information sur des scénarios alternatifs qui
pourraient se substituer à celui défini par le comité. Le rapport permet ainsi
de savoir uniquement quelle projection a été retenue parmi un ensemble de trajectoires
discutées, mais ne définit pas un ensemble de trajectoires possibles selon la
tendance de la conjoncture économique.
Ce manque de
transparence peut cependant être justifié. En précisant les méthodes
quantitatives retenues et donc l’intervalle de confiance qui caractérise la
probabilité de réalisation de la prévision économique annoncée, le comité
explicite les hypothèses du modèle de prévision. Or, ces hypothèses peuvent
être paramétrées selon les objectifs cibles du comité ou être définie
conditionnellement à une politique monétaire désirée. Ces deux possibilités
restent des cas extrêmes qui ne caractérisent pas la banque centrale. Mais ces
risques et cette transparence totale de l’information ne sont pas toujours
désirables.
Un premier argument
concerne la transparence des modèles de prévisions retenus qui rendent publics
les niveaux cibles de facteurs économiques. Annoncer une volonté d’atteindre un
niveau de hausse des prix trop important ou un taux de chômage cible peut être
source d’instabilité politique susceptible d’affecter le cycle économique et
donc l’effet de la politique monétaire décidée à partir des prévisions
macroéconomiques issues du modèle.
Un second argument
repose sur l’efficacité et la crédibilité d’une transparence économique. La
principale difficulté d’une politique de communication transparente est de
comprendre comment se forment les anticipations de la sphère privée. Par
exemple, si l’inflation future anticipée est le résultat d’une moyenne des
consensus établie sur longue période, alors la transparence est moins utile,
puisque communiquer davantage tendra à faire dévier ces anticipations donc à la
rendre plus vulnérable à l’évolution de la conjoncture économique.
En revanche, si le
consensus tient compte du moindre choc financier ou économique alors la
transparence permettra de réduire une sur-réaction à la conjoncture économique
de la part de la sphère privée. C’est justement dans ce second cas de figure
que la FED s’inscrit : les incertitudes sur une reprise de l’économie
américaine à moyen terme affectent ces anticipations, la transparence devient
nécessaire.
Conclusion
Une politique de
« forward guidance » tient ainsi sa crédibilité par sa capacité à
améliorer la transparence de la politique monétaire américaine. Les niveaux
actuels de taux fixés par la FED devraient normalement encourager l’anticipation
d’une hausse des taux d’intérêt. Or, au moyen de la stratégie de forward
guidance, ces anticipations ne peuvent être affectées par le niveau actuel des
taux d’intérêt qu’à partir de mi-2015. Le FOMC opte donc pour la transparence de
ses procédures décisionnelles et opérationnelles, ce qui contribue au maintien
de sa capacité à stabiliser l’économie en dépit d’une inefficacité du canal du
taux d’intérêt.
Arthur JURUS
Une note salvatrice étant donné l'importance des banques centrales dans nos économies et qui pose aussi l'enjeu d'une coordination de la BCE et la FED dans leur politique de communication.
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