Hall et Liebman par l’article « Are CEOs really paid like bureaucrats » publié dans le « Quaterly Journal of Economics » (1998) critiquent la méthodologie de Jensen et Murphy, celle-ci ne considérant pas les stock option et la détention d’actions dans leur mesure de la corrélation rémunération-performance. Dès lors qu’on intégre ces variables cette corrélation devient forte et s’accroît depuis les années 80. On peut alors en déduire que si le salaire fixe a une faible élasticité à la performance de la firme il n’en est pas de même des stock options par exemple augmentant de 1980 à 1994 de 700% pour une hausse de 97% de la rémunération des dirigeants. Pour atténuer cet impact Hall et Liebman propose des indicateurs relatifs au secteur ou à d’autres concurrents du marché de manière à appliquer une rémunération à la performance selon les seules et uniques actions des dirigeants (et non pas grâce à une conjoncture favorable, aux taux de change ou à un autre évènement exogène et favorable). Comme le résume Roberts et Milgrom dans leur manuel « Economie, organisation et management » (1992): « Une des raisons de lier le salaire au poste occupé apparaît lorsque performance et productivité sont très difficiles à mesurer avec précision...tenter de lier la rémunération à la performance dans ces circonstances peut être sensiblement équivalent à une politique aléatoire de rémunérations ». L’objectif est donc de limiter la « rémunération de la chance » (Bertrand, Mullainathan). Ces derniers auteurs cités montrent aussi que la rémunération ne dépend pas exclusivement de la performance du dirigeant puisque celui-ci est parfois capable de se fixer soi-même un salaire dans la limite de la supervision du conseil d’administration.
Pour reprendre la thèse de François Larmande (Contributions à l'analyse économique de la rémunération des dirigeants, thèse Polytechnique, décembre 2003), on peut distinguer six origines des conflits d'intérêt. Premièrement l'existence de coûts privés liés aux décisions et l'existence de bénéfices privés. Secondement la difficulté à évaluer le capital humain du dirigeant (asymétrie d'information). Troisièmement une divergence dans l'aversion au risque entre l'actionnaire et le manager. Quatrièmement un horizon temporel différent. Cinquièmement la difficulté d'évaluer les différentes tâches pour mesurer la performance du dirigeant (Holmstrom, Milgrom 1991). Sixièmement et comme le montre Baker (1992) la distorsion entre la valeur que l'on cherche à maximiser et l'indicateur utilisé pour mesurer cette valeur tend à initier de tels conflits d’intérêt.
Larmande va plus loin que cette simple typologie des origines de conflits d’intérêts entre actionnaires et dirigeants. Il avance que le comportement principal-agent réside plus dans l'arbitrage entre minimiser les rentes que les cadres obtiendront ou obtenir une solution d'équilibre entre incitation et coût du risque. Minimiser les rentes permettrait de limiter les coûts d'influence, d'être plus équitable entre les dirigeants, de garder une croissance progressive des salaires selon le niveau hiérarchique et enfin permet d'obtenir des contrats optimaux ou du moins se rapprochant de la solution optimale. Le principal ne bénéficie que très rarement de la totalité de la performance du dirigeant, lui-même n'est dès lors plus incité à prendre ses propres décisions de manière efficiente.
Une première alternative face aux difficultés de la théorie principal – agent est d’utiliser l’économie positive pour analyser les moyens utilisés et leurs impacts. On évoque généralement la méthode du LBO : Leverage Buy out. Celle-ci consiste à ce que les dirigeants rachètent l'entreprise en augmentant les ratios d'endettement. Si l'agent doit supporter un certain nombre de risque, il doit surtout obtenir des excédents de trésorerie pour distribuer plus de dividendes et ainsi rembourser ou payer l'intérêt de la dette. Les théoriciens du modèle principal-agent dénoncent l’implication de telle méthode pour rémunérer les dirigeants selon leurs performances, considérant qu’aucun contrat optimal ne peut être obtenu du fait d’une information mal exploitée ou insuffisante (forte incertitude).
Une seconde alternative possible aux difficultés de la théorie principal – agent n’est plus de changer la perspective d’analyse (normative ou positive) mais de déterminer la rémunération non pas directement sur la performance du dirigeant mais indirectement et relativement sur les performances de ses prédécesseurs ou de ses collègues composant le groupe de dirigeant concerné. Il existe un marché du travail interne (Piore, Doeringer) propre à chaque firme. Sous la forme de tournois, la promotion interne permet de limiter les risques d'aléa moral. Un premier argument est qu'il s'agit d'un moyen ordinal et non plus cardinal donc moins coûteux. Un second argument est que cette méthode ordinale permet de plus se concentrer sur l'efficacité d'un agent comparé à un autre agent que sur sa performance même. Un dernier argument est que fixer des gains ex-ante aux performances instaure un climat de confiance: l'actionnaire ne peut pas sous-estimer la performance du dirigeant et ne peut donc pas minimiser la rente.
L’apport de l’article de Edmans, Gabaix et Landier est donc double. D’une part il fixe des règles de rémunération, en évaluant que pour une hausse de 10% de la valeur ajoutée le salaire variable doit augmenter de 6%. D’autre part ils montrent que d’autres mécanismes existent et peuvent se substituer à la méthode des bonus-malus ou stock options. Au final on peut très bien se demander si la solution actuelle ne réside pas dans un changement des méthodes de rémunération que dans leur propre régulation ; l’actionnaire n’ayant pas intérêt à trop rémunérer le dirigeant, ce que beaucoup oublient souvent. Un nouveau mode de rémunération oui mais qui souffre d’une lacune : si le modèle permet d’évaluer le niveau de rémunération en fonction du niveau de performance il suppose une forte corrélation entre ces deux variables et rejette l’idée d’une « rémunération de la chance » au prétexte d’une méthode à moindre coût.
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