L’ISR ou Investissement Socialement Responsable est un concept qui reste arithmomorphique, on peine à le définir précisément. Les fonds ISR renvoient en fait à deux incitations : celle commerciale où ces fonds sont souvent associés à une surperformance relativement au marché, puis celle sociale où les effets de mode jouent à plein pour inciter les agents à coupler épargne et développement durable. Gollier proposait de considérer les ISR comme des « règles opérationnelles d’évaluation des actifs » mettant alors en lien la responsabilité des investissements avec le caractère durable de ce domaine financier.
Une première interrogation porte sur le rapport profit/développement durable. Les ISR sont-ils un moyen de concilier maximisation du profit et bien-être des agents (de manière temporelle voire même inter-temporelle) ? On peut proposer quatre arguments. Le premier est d’affaiblir les tensions au sein des entreprises. On peut aisément supposer que des conditions de travail plus adaptées offrent un environnement favorables aux travailleurs entrainant un effet de sélection où les meilleurs (à salaire équivalent) préfèreront intégrer une entreprise se développant sur un modèle d’ISR.
Une seconde idée est de considérer que l’ISR s’intègre dans des contrats implicites (Holmstrom, 1983, Dreze et Gollier 1993) renforçant le seul critère de l’environnement de travail. Une meilleure gestion des ressources humaines est toujours profitable pour une entreprise puisque assurant une juste rémunération à la productivité des salariés. Une meilleure incitation à la productivité équivaut à des salaires supérieurs à ceux pratiqués par les concurrents (le fameux salaire d’efficience). L’explication est que le contrat implicite est lui-même une assurance implicite contre les fluctuations de rémunération liées à la productivité des salariés. L’entreprise décide alors d’une gestion plus court termiste contrairement à celle de ses concurrents.
Un troisième argument peut être relevé par ce qu’on appelle « l’hypothèse de Porter ». Celle-ci suggère qu’une entreprise soucieux de l’environnement de travail par exemple renforcera la cohésion au sein d’une entreprise et sera plus à même d’affronter des aléas futurs liés aux soucis environnementaux. En outre l’apport de cette hypothèse est que l’entreprise deviendra plus compétitive pendant une période future.
Un dernier argument est que l’ISR a un effet de réputation associé à l’image que peut porter l’entreprise sur l’offre de travail ou sur la demande de biens et services. En renforçant la perception des consommateurs, l’entreprise peut y voir une source de profit donc de maximisation de son bien être. Toute solution adoptée pourrait dès lors être Pareto-optimale.
Un second problème peut cependant contrarier les simples impératifs de rentabilité. Au-delà de l’utilité pour une entreprise d’utiliser ces fonds, quels peuvent être le rôle de ces derniers ? C’est-à-dire les fonds ISR peuvent-ils combler certaines défaillances du marché ? Il est actuellement accepter l’idée que les externalités négatives peuvent être surmontées à l’aide de ces fonds de sorte que l’intervention publique pourrait y trouver un complément à son action. Un complément qui se substituerait à des méthodes telles que le command and control (imposition de normes sociales ou environnementales) ou la fameuse méthode du pollueur-payeur. Ainsi si l’hypothèse de Porter n’est pas vérifiée, les fonds ISR peuvent subvenir à certaines solutions non pareto-optimales et donc confirmer le second théorème du bien-être à savoir que toute intervention peut ramener l’équilibre à une situation dite optimale.
Un second rôle joué par les ISR est de rendre socialement responsable certains agents. On peut ainsi supposer qu’une entreprise aura les faveurs d’un salarié soucieux d’associer son offre de travail à des conditions d’éthiques sociales. De la même manière on peut supposer que les fonds ISR attireront les investisseurs d’autant plus soucieux de l’éthique sociale qui peut émaner de l’épargne collectée par ces fonds. Contrairement à un argument commercial, les fonds ISR sont plus rentables que le marché à court voire moyen terme de sorte que si le coût des entreprises socialement responsables diminue et leurs cours boursiers augmentent, cette situation n’est pas pour autant stable (les cours boursiers et le coût par entreprise n’évoluent plus). Les épargnants doivent donc accepter à long terme une rentabilité inférieure à celle d’autres fonds au prix d’une meilleure éthique de leurs placements. On suivra à cet égard l’un des prochains articles publiés par Gollier ou Pouget et étudiant un modèle d’équilibre dans ces conditions. Cependant, un effet d’éviction peut s’introduire dans notre analyse. Si les investisseurs « opportunistes » dominent ceux « responsables », soit si l’étiquette commerciale est adossée à l’éthique sociale, les investisseurs responsables peuvent ne pas trouver la valorisation personnelle associée à leurs placements puisqu’ils seront perçues de la même manière que les investisseurs opportunistes (Ariely). L’ISR tient donc plusieurs rôles dont une partie reste contingente aux comportements individuels notamment l’altruisme. C’est d’ailleurs ce sur quoi ont porté certains travaux de Tirole avec Benabou qui visaient à démontrer l’apport en bien-être d’une perception positive de l’action d’un investisseur par d’autres agents (théories de l’attribution en psychologie).
En conclusion, les fonds ISR sont sources de maximisation du profit pour une entreprise. Pour les épargnants cet apport est nuancé. Si l’investisseur est opportuniste et spécule ces fonds peuvent être rentables sous conditions. Si l’investisseur oriente son arbitrage sur ces fonds par des critères éthiques alors il sera moins rémunéré à long terme que si son placement s’était porté sur d’autres fonds.
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