2 juil. 2009

Les mécanismes de rémunération des dirigeants sont-ils efficaces? (4/4)

Situation d'asymétrie d'information
Les actionnaires ne disposent plus d’une information complète et ne supportent plus la contrainte de participation du dirigeant, c’est-à-dire qu’ils ne peuvent plus juger du niveau de satisfaction minimale pour inciter correctement ce dernier. Les actionnaires observent donc seulement le profit et vont déterminer ex-post le salaire. Contrairement à la situation de CPP, ici le salaire du dirigeant est dépendant du profit obtenu.

Les actionnaires doivent élaborer un contrat d’incitation dans la relation principal-agent dépendant uniquement du profit. Il y a donc moins de variables, donc moins de possibilités d’inciter. Le profit espéré ne sera donc pas déduit d’un niveau d’utilité minimum du dirigeant.

On peut distinguer deux situations : le dirigeant est neutre envers le risque ou le dirigeant est infiniment risquophobe. Compte-tenu du précédent billet relatif au sujet de la rémunération des dirigeants, nous tâcherons d’évoquer seulement la situation où le dirigeant est neutre au risque.

Si on note & la désutilité de l’effort de performance (coût d’opportunité exprimé en monnaie) on obtient la fonction d’utilité du dirigeant neutre au risque (Relation 1) :
U (w,d) = w - &(d)
Plus la désutilité est forte, plus l’utilité tirée du salaire lié à la performance est faible.

La fonction-objectif des actionnaires s’écrit alors :
E (Π – w) = E (Π) – E ( U(w,d) ) - &(d)
D’après la Relation 1 (fonction d’utilité du dirigeant neutre au risque) on peut écrire :
U (w,d) = w - &(d) 
Ce qui équivaut à –w = -&(d) – U(w,d)
D’où la fonction-objectif des actionnaires :
E (Π – w) = E(Π-&(d)-U(w,d)) = E(Π) – E(&(d)) – E(U(w,d)
Et si la contrainte de participation est saturée alors E( U(w,d) ) = Umin.
On obtient ainsi une fonction-objectif des actionnaires simplifiée :
E ( Π-&(d) ) – E( U(w,d) ) = E (Π-&(d)) - Umin 
Qui signifie que l’espérance d’utilité des actionnaires est égal à l’espérance de la différence entre le profit espéré net de la désutilité de l’effort noté E (Π-&(d)) et le minimum d’utilité exigée par le dirigeant noté Umin.

En information parfaite on fixe une décision optimale notée d*.
L’utilité est donc : E (Π(d*,c)-&(d*)) – Umin
Ce qui est égal à : E ( Π(d*,c) ) - &(d*) – Umin (Relation 2)
Il s’agit du profit net réalisé par les actionnaires en information parfaite.

Une fois cette fonction obtenue on peut proposer une remarque très intéressante. En situation d’asymétrie d’information, on peut supposer que les actionnaires décident de vendre l’entreprise au dirigeant pour un prix :
P = E ( Π(d*,c) - &(d*) – Umin
Soit au profit net réalisé normalement en information parfaite.
Dans son article J.Tirole montre que la situation revient à ce que les actionnaires paient un nouveau salaire au dirigeant tout en restant les créanciers du profit obtenu.
Ce salaire serait w(Π) = Π – P

Avec le programme d’optimisation de l’utilité du dirigeant qui est de maximiser :
E ( Π(d,c) - &(d) – p ) on obtiendrait :
E ( Π(d,c) - &(d) – Π(d,c) + &(d) + Umin)
Ce qui finalement est égal à : Umin.
Le dirigeant acceptera donc la proposition et rachètera l’entreprise puisque le prix proposé permet d’égaliser sa contrainte (d’où la supposition ex-ante du prix qui devait nous permettre d’arriver à ce résultat).

Quels sont les apports de ce raisonnement ?
Le dirigeant accepte l’offre des actionnaires. Le dirigeant a une utilité Umin et les actionnaires paient un salaire : w(Π) = Π – p = &(d) + Umin
Soit les actionnaires paient un salaire égal à l’utilité minimale du dirigeant ajoutée à la désutilité de l’effort.

La conclusion de ce raisonnement est simple: les actionnaires ont fixé un prix permettant d’inciter le dirigeant à fournir l’effort optimal dans un cadre d’asymétrie d’information en le rémunérant par la différence entre le profit réalisé et l’espérance de profit net réalisé en situation d’information complète. Le dirigeant supporterait alors l’ensemble des risques, mais celui-ci étant supposé initialement neutre au risque, cela ne pose aucun problème à la solution envisagée.

Ces quatre billets sur le mode de rémunération des dirigeants nous rappellent donc que le problème est extrêmement vaste. Il est d’abord managérial et financier pour comprendre quels sont les critères de performance à considérer et les différentes solutions qui permettent d’inciter le dirigeant (comme le compte d’incitation). D’autre part, ce domaine de recherche doit aussi faire appel à des analyses microéconomiques et pas seulement financières. Comprendre le comportement de chaque agent en information complète ou imparfaite est une nécessité pour permettre de développer les meilleurs mécanismes d’incitation. Nous avons posés de nombreuses hypothèses pour développer les modèles présentés. Celles-ci laissent supposer que ce domaine de recherche reste extrêmement vaste. Plus largement ces travaux doivent permettre de faire comprendre que les politiques économiques ne se font que trop rarement en accord avec les universitaires, il est aujourd’hui nécessaire d’établir un pont entre la recherche et la décision politique ; une perspective indispensable à la qualité du débat public et plus particulièrement à la question de la rémunération des dirigeants.

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