L’évolution de la discipline a été évidente ces trentes dernières années. Des théories oligopolistiques à celles tenant compte des contraintes informationnelles, les avancées ont aussi concernées les méthodologies des analyses de marchés concurrentiels par la prise en compte de relation stratégique entre les agents privés, les entreprises voire les autorités chargés de ces politiques économiques.
La vision est surtout positive, quel rôle assigné à la politique de la concurrence et à l’autorité de la concurrence ? Si la distinction ne semble pas si évidente, dissocier les concepts reste nécessaire. Aussi la politique de la concurrence vise à maximiser un critère (le surplus) après avoir observé les comportements des entreprises. Une fonction doublement objective par son optimisation et la neutralité dont elle doit faire preuve. Cette dernière caractéristique est le point de ralliement avec l’autorité qui l’exerce : on parle alors de AAI pour Autorité Administrative Indépendance. Celle rattachée à la concurrence est spécialisée dans les pratiques anticoncurrentielles, le contrôle des opérations de concentration et doit favoriser la concurrence sur un marché ou minimiser les distorsions causées par des marchés disposant d’un faible nombre d’offreurs.
Les progrès effectués, notamment en considérant l’imperfection informationnelle dont les modèles faisaient preuve depuis les premiers travaux sur les marchés oligopolistiques, ont permis de rattacher l’autorité à la pratique de la politique. Aussi l’autorité exercera sa mission lorsque l’asymétrie avec l’agent faisant l’objet d’une politique sera la plus transparente possible. L’interaction stratégique devient un fil conducteur des nouvelles analyses, grossièrement l’autorité de la concurrence devient un acteur de ses propres études.
Sa mission devient plus large. Il ne s’agit plus seulement de réguler certains marchés mais d’inciter les entreprises soit à satisfaire les exigences des politiques de la concurrence, soit à éviter la mise en place d’une intervention sur son marché. En outre l’autorité de la concurrence dispose de beaucoup plus d’outils et d’instruments qu’il y a 20 ans.
Par exemple, Farrell (2003) teste l’efficacité relative des instruments. Il montre que dans le cas d’une autorisation sous condition (clauses de contrat limitées, ventes d’actifs), les moyens ne permettent pas d’arriver aux fins, voire peuvent causer l’inverse. La vente d’actif peut favoriser des collusions où un nombre très restreint d’entreprises détermineront les prix et quantités proposés pour limiter l’attrait concurrentiel de leur marché. Par exemple, si deux entreprises fusionnent cela remet en cause le caractère concurrentielle d’un marché et l’autorité peut juger que si aucune autre fusion ne s’établit sur ce même marché alors une situation non-concurrentielle persiste. Dès lors inciter plusieurs entreprises à se concentrer peut favoriser le surplus du consommateur. L’effet est bénéfique sauf si ces concentrations donnent suite à une collusion. Le surplus du consommateur reviendra alors à un niveau inférieur ou égal à celui ex-ante à la politique menée.
A ces impacts structurels, on peut opposer ceux plus conjoncturelles ou du moins volatiles. Les clauses de contrat limitées peuvent provoquer un changement des comportements des entreprises, difficilement contrôlables par l’autorité.
Plus concrètement un exemple d’incitation est celui de l’auto-sélection. L’article de Cosnita (2006) montre que deux menus peuvent être proposés à une entreprise. Cette dernière soumet un projet à l’AAI de la concurrence. Celle-ci décide soit de valider le dossier par sa conformité aux exigences concurrentielles de l’organisation, soit de le rejeter. Dans le premier cas, l’autorité soumettra des plans incitatifs à l’entreprise (cette dernière ne s’avérant pas, aux yeux de l’autorité, gage d’effets inverses à la politique menée). Dans le second cas, aucune incitation n’est proposée et le projet de l’entreprise échoue. On en conclue que le phénomène d’auto-sélection permet d’infléchir sur les interactions entre l’autorité de la concurrence et les stratégies des entreprises.
D’autres solutions ont été suggérées et ont débouché sur des mesures concrètes (Loi sur les nouvelles Régulations Economiques de 2001 en France). Dans le cas d’une forte asymétrie de l’information, constater un cartel n’est pas chose facile pour l’AAI. Inciter l’un des entreprises du cartel à dénoncer les autres peut s’avérer profitable au surplus du consommateur. On récompense alors l’entreprise dénonciatrice par une immunité aux sanctions de l’autorité ou par une rémunération. Spagnolo (2007) propose de reverser l’intégralité des amendes payées par les entreprises dénoncées à celle immunisée. Dès lors les cartels effectifs sont supprimés, et ceux potentiels sont découragés.
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