3 déc. 2009

Faut-il taxer les licenciements?

Prenons avant tout les dispositions nécessaires pour comprendre l’objet de l’article. Une des grandes questions en économie du travail repose sur le dilemme : faut-il réduire les coûts de licenciement pour fluidifier le marché du travail ou les augmenter pour réduire davantage le chômage ? Comme tout effet microéconomique les deux effets peuvent se compenser. Nous ne tâcherons pas ici de comparer chaque solution mais de répondre avant tout à notre problématique : Est-ce qu’une hausse du coût de licenciement peut favoriser l’offre de travail ?

On distingue habituellement deux cadres conceptuels dynamiques. Ces derniers permettent de dépasser les analyses statiques considérant simplement qu’une hausse du coût du licenciement diminue la demande de travail et contribue à une remontée du chômage. Le premier modèle est celui des coûts d’ajustement, le second concerne les modèles d’appariement.

Les modèles avec coûts d’ajustement se distinguent en deux générations. La première génération suppose des coûts d’ajustement symétriques c’est-à-dire que licencier un employé coût autant que l’embaucher. Les études empiriques ont rejeté cette hypothèse et la nécessité de modèle de seconde génération s’est confirmée. Il s’agit alors de supposer des coûts d’ajustements asymétriques. L’entreprise n’embauchera pas sous la condition que la productivité marginale du travail est égale au salaire réel ; elle ajoute au coût du salaire le coût lié à l’embauche d’une unité de travail supplémentaire. Certains travaux affirment une stricte supériorité de la productivité marginale du travail sur le coût de gestion de l’unité de travail. L’asymétrie s’applique dans le cas d’un licenciement. La productivité doit alors être inférieure à la différence entre le salaire et le coût de licenciement. Enfin les modèles d’ajustement s’avèrent anti-cycliques ; une forte croissance et des coûts de licenciement élevés freinent la demande de travail tandis qu’une faible croissance tend à limiter le nombre de licenciement. Les effets restent discutés. Bertola en 1990 (Job security, employment and wages », European Economic Review) montre qu’une hausse des coûts d’ajustement peut augmenter l’emploi moyen sous condition que la fonction de production est homogène relativement au volume de l’emploi.
Donc les modèles d’ajustements à coût asymétrique suggèrent que les impacts d’une taxe dépendent de deux facteurs : des phases cycliques par une corrélation négative et des technologies de chaque entreprise (fonction de production).

Les modèles d’appariement intègrent les coûts de transaction. Développés par Pissarides et Mortensen en 1994. Sont inclus dans les travaux les négociations entre patronat et syndicat (voir à ce propos notre billet du 28 juillet 2008), la quantité de travail offerte et demandée et les emplois vacants. Les impacts d’un licenciement sont souvent ambigus dans ce modèle. Si un choc exogène intervient dans le processus productif (rendant avantageux une substitution du travail au capital) alors la productivité d’une unité de travail diminue. On met alors en évidence l’appariement de cette unité de travail à son poste de travail, tous deux fonctions des coûts de licenciements (fixes : éventuelle taxe ou procédure judiciaire). L’analyse est dynamique car à chaque intervalle on considère constante la productivité du travailleur (soit l’appariement) mais à chaque nouveau choc l’appariement est modifié de sorte qu’une situation non optimale peut subvenir.

On peut supposer qu’une entreprise fixe un seuil de productivité minimum nécessaire à l’embauche ou au maintien de l’emploi. L’entreprise fait face à des chocs aléatoires sur cette productivité fixée à un niveau inférieur au salaire perçu. Si un choc augmente la productivité d’une unité de travail alors le salaire versé n’évolue pas, puisque exogène. L’entreprise paye une productivité à un prix plus faible qu’elle ne le devrait. Si un choc diminue la productivité d’une unité de travail alors le salaire est supérieur à la productivité et l’entreprise licencie si et seulement si la productivité est à un niveau inférieur au seuil fixé initialement. En outre si la productivité baisse mais reste supérieur au seuil alors l’entreprise ne licencie pas dans l’espérance de compenser la perte à la période t1 par un une hausse de son profit en période t2.
Donc si l’on décide de taxer les licenciements alors le seuil minimal de productivité va diminuer et donc la destruction potentielle d’emploi diminuera tout autant. Cet effet valorise la situation des insiders au dépend des outsiders qui devront faire face à une demande de travail plus faible (baisse des emplois vacants).

D’autre part, on peut supposer qu’une entreprise verse un salaire négocié. Le problème devient différent car dépend exclusivement de la négociation. On peut en effet envisager que le patronat augmente les salaires sous condition que les coûts de licenciement diminuent. Tout dépend des probabilités de choc de productivité.
Donc si l’on décide de taxer les licenciements alors le pouvoir de négociation de l’offre de travail diminue car le salaire versé sera le plus souvent exogène dans les modèles d’appariements.

En fait le problème est plus complexe en intégrant de nouvelles variables comme un système d’allocation chômage, la protection de l’emploi ou le taux de chômage. Tout dépend des variables-cibles ou objectifs intégrées aux travaux. Ce dont il sera question dans une seconde partie. Celle-ci présentera essentiellement des travaux empiriques.
A.J.

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