17 mars 2010

Barrières à l'entrée et inefficience des stratégies industrielles

Nous avons montré, lundi, que les pratiques commerciales (de forclusion de marché) tendaient à renforcer le monopole d'un premier secteur et à accroître la monopolisation du second secteur. Nous chercherons dans ce billet à étudier l'effet d'une forclusion de deux marchés oligopolistiques, où aucun des acteurs (fournisseurs ou acheteurs) ne dispose d'une part de marché majoritaire.

Les pratiques les plus récurrentes sont celles en aval où une entreprise essaye de monopoliser le marché (prix proposé par le fournisseur) pour augmenter les coûts de ses concurrents. C'était le cas d'Alcoa qui a suggéré puis signé des accords d'exclusivité avec des compagnies électriques pour qu'elles ne fournissent pas d'aluminium à ses concurrents. La politique de la concurrence a connu de multiples effets d'apprentissage qui l'on conduit à limiter le gain de part de marché résultant d'un accord d'exclusivité entre un acheteur et un fournisseur. Ces exclusivités peuvent parfois avoir des effets plus importants sur la monopolisation des secteurs. Par exemple American Airlines et United Airlines détenaient 70% du marché des systèmes informatiques de réservation de billets. Ces systèmes sont loués aux agences bancaires et peuvent créer de très importantes distorsions comme dans les critères de gestion de données pour sélectionner un vol et une compagnie aérienne. Donc on peut mettre en évidence que ces stratégies de monopolisation d'un ou plusieurs secteurs procurent un avantage concurrentiel (voire un comportement de prédation) mais surtout reposent sur une stratégie d'extension des firmes sur plusieurs types d'activité.

Une première approche de la forclusion nous amènerait à penser qu'un secteur monopolisé tend à décourager toutes nouvelles entrées sur le marché (c'est le cas des comportements de prédation). Tirole (1993) revisite le modèle d'Aghion et Bolton (1987). Ce dernier modèle cherche à montrer que même si un nouveau concurrent pratique un prix plus attractif qu'un fournisseur qui détient le monopole du marché et qui a signé un contrat à long terme, alors la situation de marché est socialement mauvaise.

Pour faire assez simple, considérons le fournisseur "MONO" qui signe un contrat avec l'entreprise "TAK" dans lequel est stipulé que MONO fournit le bien intermédiaire à TAK contre un prix de 1€. Le coût de production est de 0,5€ pour MONO. Supposons maintenant que le fournisseur "SIDE" entre sur le marché avec un coût de production C et une offre au prix P. Tout semblerait à croire que TAK substituerait l'offre de MONO au profit de SIDE. En fait l'entreprise cherche à évaluer l'espérance de prix qui l'amènerait à choisir SIDE et à rompre son contrat avec MONO. …Le modèle montre dans ce cas que si l'offre de prix de l'entrant n'est finalement pas inférieur à 0,25 alors la firme continuera à respecter son contrat. En outre, le fournisseur SIDE pourrait proposer un prix de 0,4€ inférieur au 0,5€ proposé par MONO qui, sans le contrat, inciterait l'entreprise à changer d'avis. Il y a ici une structure de production inefficace. Le modèle d'Aghion et Bolton apporte de nombreuses conclusions (l'explication précédente ne traite qu'une partie de leurs remarques) mais dans notre explication nous avons montré qu'une forclusion de marché sur des secteurs monopolistiques renforce les barrières à l'entrée mais surtout est socialement inefficiente (Aghion, Bolton, "Contracts as a Barrier to Entry, American Economic Review, 1987).

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