7 août 2008

La Réduction du Temps de Travail

Premier billet lié à la politique de l’emploi, il sera question ici de présenter la Réduction du Temps de Travail, mais pour ce faire nous redéfinirons le cadre de cette politique en redéfinissant les principales notions qui introduiront le sujet.

La politique de l’emploi se rapporte au sens de la DARES (Direction de l’Animation de la Recherche, des Etudes et des Statistiques) comme des dispositifs de soutien aux chômeurs et de stimulation de la création d’emploi. Une définition plus restreinte que celle généralement admise liée à la recherche du plein emploi. De ce fait on distinguera deux types de politiques : celles actives concernant les créations d’emplois et celles passives se chargeant des différentes indemnisations ou suivis des actifs inoccupés. Mais comme le souligne Bénassy-Quéré, Coeuré, Jacquet et Pisani-Ferry, la définition de la DARES rejette de nombreux leviers d’actions comme la fixation du salaire minimum ou la réglementation des licenciements et des embauches; elle rejette aussi certains mécanismes macroéconomiques. Cet ensemble de critiques montrent que les politiques de l’emploi, au même titre que les politiques de croissance, connaissent des objectifs bien définis mais où les relations avec les moyens restent floues. Aussi il s’agira d’étudier spécifiquement en partie un des trois leviers d’actions. Nous ne traiterons donc ici ni de l’offre du travail, ni du marché du travail mais de la demande du travail en traitant la RTT au dépend des emplois aidés et des allégements de cotisations sociales.

Réduire le temps de travail peut prendre diverses formes comme le passage à un temps partiel, des accords de négociation hebdomadaire ou une modification de la durée légale par voie législative. Respectivement ces trois formes ont été appliquées par les Pays-Bas, où la moyenne d’heure travaillée par an est la plus basse de l’OCDE, par l’Allemagne et la France, où la durée légale du travail hebdomadaire est la plus basse en 2002 (alors que la moyenne réelle s’établit pourtant à 36,2 heures). Mais au delà des comparaisons, il s’avère utile d’étudier les conditions nécessaires d’une telle politique.

Ces conditions, pouvant prendre forme d’hypothèses, doivent permettre un partage du travail tout en maintenant constant le rythme de la production. On distinguera trois points.

Premièrement, le niveau d’emploi doit être déterminé par la demande de travail consécutivement à un équilibre de sous-emploi. Cette condition peut donc être juste à court terme mais jamais à long terme ou un équilibre du marché du travail semble toujours atteint : il n’y aurait alors aucun effet sur le chômage voire même une baisse du produit national brut par tête. Seule une situation d’hystérésis du chômage, soit une situation où les effets perdurent alors que la cause a disparue, pourrait démontrer le contraire en affectant les différents équilibres de l’économie réelle (comme le marché du travail). Pour autant, cette dernière notion reste critiquée dans la théorie économique, notamment parce qu’elle suppose l’existence de ce qu’elle veut expliquer (les chômeurs découragés, les insiders ou la « fracture sociale » par exemple) et qu’elle suppose une certaine durée suffisamment longue pour se distinguer des « chocs » source de ses propres causes.

Secondement, les personnes doivent être substituables en heures. Cela implique qu’une situation où 14 personnes travaillent 37,5 heures par semaine peut se substituer à celle où 15 personnes travaillent 35 heures, c’est-à-dire que la productivité horaire moyenne du travail est supérieure à celle marginale du fait d’une productivité moindre des salariés en fin de journée par exemple (…). Cette substituabilité a été encouragée par la loi Aubry en 2000 visant à pouvoir annualiser le temps de travail. La seconde condition nécessaire reste alors que chaque marché du travail ne soit pas en excès d’offre (soit qu’il n’y est pas de chômage). Au final, il est utile d’apprécier qu’une telle politique sur la demande du travail aura un impact diversifié selon la productivité marginale horaire du travail de chaque actif compte-tenu de ses qualifications.

Troisièmement, la réduction de la durée du travail ne doit pas augmenter le coût unitaire du travail. Pour ce faire un arbitrage s’opère entre l’évolution du salaire mensuel et les gains de productivité. Un dernier facteur, l’aide publique, subvenant à cette situation. Car si chaque salarié voit sa quantité horaire de travail diminué, la logique imposerait que son salaire mensuel diminue. Or il a été acquis qu’en contrepartie d’une baisse individuelle de la durée hebdomadaire du travail, les accords pluriannuels de modération des hausses devaient être limités. Enfin si les dispersions sur l’impact dans les gains de productivités existent, ces derniers restent globalement en augmentation grâce à la RTT. Les effets négatifs dans certains secteurs peuvent alors faire l’objet de subventions publiques dont les ressources résultent des externalités positives des entreprises ayant fait l’objet d’une hausse de la productivité de leur production (due à une nouvelle organisation du travail par exemple), ce qui a eu un effet bénéfique sur les comptes publics via une baisse des indemnisations chômeurs.

Mais alors, quel bilan de la RTT en France ? Mesurer son impact nécessite des indicateurs selon certains critères. Seule la DARES a estimé les effets d’une telle politique en comparant les créations d’emplois entre les entreprises restées à 39 heures et celles passées aux 35 heures : au final c’est 350 000 emplois nouvellement crées qui ont été constatés. La DARES fait aussi remarquer le passage aux 35 heures a été bénéfique en termes de gains de productivité due à la réorganisation du travail. On dispose des analyses de Crépon, Leclair et Roux datant de 2004 pour mettre en avant trois biais dans la mesure des effets de la RTT. D’abord un biais d’hétérogénéité inobservée, chaque entreprise dispose de particularité qui ont échappé à l’indicateur, ensuite un biais de sélection résultant d’un arbitrage de chaque direction d’entreprise sur l’intérêt ou non de passer aux 35 heures : les grosses entreprises ont en général tout intérêt à adopter cette législation, tandis que les petites entreprises souffrant par exemple du pic conjoncturel de 2000-2001 avaient tout intérêt à conserver les 39 heures ; enfin un biais de bouclage où les effets bénéfiques sur l’emploi des entreprises aux 35 heures ont, sur la base d’un jeu à somme nulle, détériorés les emplois des entreprises restées aux 39 heures.

Et la réforme du temps de travail ? Si celle-ci fait l’objet de nombreux débat comme sur Internet, une partie a été fortement négligée. Certes les entreprises disposent de modulations du temps de travail selon un plafond limite de 48 heures hebdomadaires et fixent elles-mêmes les contreparties en repos des salariés. En revanche, cet aspect de la réforme n’aurait pu être entrepris sans un renforcement de la représentativité syndicale et donc une rénovation de la démocratie sociale. L’accord qui résultera des dispositions prises par les entreprises devra être validé par les organisations syndicales représentants 30% des salariés. Ce n’est peut-être pas assez mais il convient toutefois d’admettre qu’au delà de la critique sur la suppression de la RTT il pouvait tout aussi bien s’agir de critiquer les critères de représentativité retenus dans cette loi pour atténuer voire compenser les effets néfastes mises en avant par ceux opposés à cette réforme. Cependant, il semble difficile de poser un avis objectif sur cette réforme forcement favorable à la demande de travail. Reste à savoir si elle en sera autant pour l’offre.

4 commentaires:

  1. J'avais noté mentalement il y a quelques années que ces fameux 350 000 emplois résultaient principalement des allégements de charge qui venaient en cadeau bonus de l'adoption des 35h, l'effet sur l'emploi de celles-ci étant faible.

    Qu'en est-il ? D'ailleurs je n'arrive pas à retrouver l'étude de la DARES en question.

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  2. Bonjour,
    et merci pour le commentaire!

    Il a été effectivement question de modérer le coût des heures supplémentaires pour rendre plus supportable l'adoption des RTT aux entreprises. Des aides structurelles avaient aussi pour but d'accompagner les entreprises durant une période temporaire de deux ans. Enfin, une plus grande "liberté" concernant la modulation du temps de travail et les possibilités de compensation des heures supplémentaires ont été accordé.

    Ces allégements de charge ont notamment profité des aides incitatives puisque les entreprises concernées par cette situation ont connu des taux de croissance d'emploi plus élevés que celles n'en bénéficiant pas. Leurs effets sont bénéfiques car les aides ont permis, avec les modérations salariales, de compenser la baisse de productivité des entreprises et ainsi permettre une baisse des coûts unitaires de production source de création d'emploi. Des emplois qui résultent donc davantage du coût de production que du partage du travail.

    Après quelques recherches, je peux vous proposer deux références:
    * Le Rapport de l'INSEE
    * Un ouvrage du DARES. Mes sources y faisaient souvent référence mais je ne l'ai pas lu.

    A bientôt!

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  3. C'est une réponse de normand ça :o

    La seule source probablement objective que j'ai pu trouver est éconoclaste, qui ne conclut pas sur la question :
    http://econoclaste.org.free.fr/dotclear/index.php/?2006/10/25/654-35-heures-tentative-d-evaluation

    Pour y avoir travaillé, par pitié, "LA" DARES, c'est une direction !

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  4. Navré pour le "du DARES", j'avais pourtant fait attention dans le billet.

    Bien que du Sud, ma réponse normande souhaitait répondre à votre question (qu'en est-il?)que j'ai interprétée comme un questionnement sur l'avancement ou non des recherches sur les effets des 35h. Je ne prétends pas tout savoir, loin de là. J'ai juste écrit ce que j'en avais retenu.

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