4 nov. 2009

Critique des contrats de type "Cost-of-service"

Pour revenir sur le précédent billet relatif aux contrats incitatifs, certaines précisions doivent être apportées. En outre nous proposons ici un approfondissement du concept de « cost of service régulation ».
Pour rappel le « coût du service » est une situation faiblement incitative et qui ne donne pas lieu à un transfert public. En outre, la variable utilisée est un taux de retour sur investissement et vise à ce que les recettes totales de la firme égalisent le coût total, sans surprofit pour la firme concernée.

1) Trois grandes caractéristiques

La particularité de cette faible incitation sans transfert public repose sur son ancienneté, sa complexité mais surtout sur son « dépassement théorique » puisqu’elle ne tient pas compte des avancées récentes des théories de l’incitation comme l’aléa moral ou la sélection adverse.
Trois conditions conditionnent ce type de réglementation. D’une part les prix sont fixes et à la discrétion des régulateurs qui fixent le prix de marché au coût moyen de production. D’autre part le taux de retour sur l’investissement est toujours supérieur au taux proposé sur le marché de telle sorte que l’investissement soit attractif pour les firmes réglementées tout en assurant un marché concurrentiel.
2) Première critique: asymétrie informationnelle en situation de tarification au coût moyen

Fixer le prix au coût moyen reste une mesure restrictive. Pourquoi ? Une première approche serait d’avancer que le coût moyen implique un niveau de coût fixe. Or il reste difficile d’estimer correctement ces coûts compte tenu de la complexité des variables à intégrer au calcul (structure productive, combinaison des facteurs productifs, productivité, taux d’utilisation des capacités, etc).
D’autre part il faut bien distinguer entreprise publique et privé.
Dans le premier cas, l’Etat est censé disposer de la totalité des informations sur la structure productive.
Dans le second cas d’une entreprise privée rien n’indique que l’information donnée au régulateur est justifiée. Pour subvenir à ce risque Laffont (2001) propose une alternative à la firme : choisir soit un contrat de type cost plus (faiblement incitatif et à transfert public) soit un contrat de type price cap (fortement incitatif et sans transfert public). Le choix de type cost plus montre le peu d’intérêt de la part de la firme pour minimiser ses coûts, les subventions égalisent le transfert public et l’entreprise envoie le signal d’une mauvaise intention. En revanche si la firme privilégie un contrat de price cap, d’une part elle s’engage à ne recevoir aucun fond public, d’autre part elle s’inscrit dans un processus de minimisation du coût total de production puisque l’espérance de gain n’augmentera que si le prix baisse donc si des efforts technologiques sont consentis.
Cela indique que la firme est volontaire à une réglementation efficace mais surtout efficiente : le risque d’asymétrie informationnelle devient plus faible grâce à l’auto-sélection. En revanche il est impossible d’appliquer un contrat par coût du service. Cette réglementation ne semble applicable que pour des entreprises publiques.
Une seconde critique relative à la tarification au coût moyen est que cette mesure n’incite pas la firme à minimiser ses coûts. L’idée générale est que le marché est dominé par un monopole naturel : les rendements d’échelle sont croissant, le coût moyen dès lors est décroissant. La situation est donc profitable au consommateur car ce dernier profite d’un surplus supérieur à celui potentiellement obtenu en concurrence pure et parfaite. Il n’en reste pas moins que sa charge morte (triangle d’Harberger) est important et nécessite une réglementation du monopole. Pour réduire cette charge morte la tarification au coût moyen est nécessaire. On utilise alors la règle de Ramsey Boiteux (1956) qui vise à maximiser le surplus collectif des entreprises publiques sous-contrainte d’une annulation des profits.
On en conclue que ce type de réglementation est gage d’efficacité mais pas d’efficience.

3) Seconde critique: incitation au sur-investissement

Le pouvoir incitatif des contrats de type cost-of-service est faible et ne permet pas une lutte efficace face aux phénomènes d’aléa moral. La rente informationnelle du producteur est reprise par le régulateur et n’incite donc pas le premier à réduire ses coûts. Aussi, pour n’importe quel niveau d’investissement la contrainte de la firme est satisfaite. C’est-à-dire que le comportement rationnel de la firme peut mener à une surcapitalisation comme le démontre l’article de Averch et Johnson publié en 1962.

Ces derniers montrent que le gain de la firme est directement lié à l’investissement en capital par la fixation d’un seuil de rendement unitaire du capital investi. Cette mesure introduit un biais de surcapitalisation puisque la firme est tentée d’augmenter son profit par une augmentation du stock de capital à un niveau supérieur à celui minimisant les coûts. Plus formellement, l’augmentation de l’intensité capitaliste amène le taux marginal de substitution technique à être différent des coûts factoriels (rapport du prix du capital au travail). Le contrat de type cost-of-service est donc une incitation potentielle au sur-investissement et à la mise en place d’une nouvelle distorsion en remplacement de celle supprimée par le régulateur.

1 commentaire:

  1. Je suis très content de voir que le site prend une tournure très critique sur les outils et analyses de l'économie traditionnelle. Car ça montre la maturité des auteurs qui arrivent à manipuler les concepts de l'économie. Ne pas tout prendre au pied de la lettre et pouvoir critiquer les analyses statistiques ou économiques d'autres c'est très bien. En plus, ça ne peut que lever l'attrait du site, car il deviendra lieu de débat.

    C'est de la controverse que naisse les innovations paraît-il, si l'on en croit les travaux de Callon et Latour. Après, je ne suis pas sociologue de l'innovation et il faudrait tester cette théorie rigoureusement pour juger/jauger de sa pertinence dans ce cadre.

    En espérant qu'il y ait débat comme sur le sujet du test de non-linéarité...

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