7 sept. 2010

L'économie américaine et ses incertitudes

De nombreux économistes s'interrogent depuis plusieurs mois sur le caractère cyclique de la conjoncture américaine. Si la reprise semblait durable, beaucoup craignent un retour de la récession. Ce climat d'incertitude reste d'autant plus important qu'il implique autant les économies européennes et leurs institutions que l'ensemble des marchés internationaux. Si l’économie américaine va mal, alors les marchés mondiaux seront déstabilisés. Mais quelles sont ces incertitudes?

L'essentiel du problème est assez simple à saisir. La demande globale est très faible, l'offre effective ne peut donc pas augmenter (output gap) et la croissance économique reste trop faible. Parallèlement plus de politiques budgétaires semblent nécessaires. Or sans l'apport des contribuables, de fortes dépenses publiques sont difficiles à justifier d'où un recours aux marchés obligataires et des taux obligataires très faibles. Le problème est qu'une spirale peut s'installer par la variable du taux de chômage de plus en plus élevée. Entre croissance économique, chômage et dépense publique, l'analyse peut rapidement devenir complexe. Or tout le débat actuel sur l'économie américaine repose sur ces trois piliers.

UNE DEMANDE GLOBALE FAIBLE

Une première solution au problème est de trancher sur le débat d'un chômage qui se voudrait structurel. Bradford Delong est intervenu à ce sujet et a rapidement montré la fausseté du débat. Un chômage structurel est un glissement de la demande de travail entre secteurs qui entraîne un coût d'ajustement pour les salariés (nouvelles compétences à obtenir, flexibilité de l'offre de travail) qui se mesure par une hausse du taux de chômage. Par exemple une baisse de la demande pour l'immobilier impliquerait une baisse de la demande de nouvelles constructions. D'un autre côté, cette baisse pour l'immobilier pourrait s'accompagner d'une hausse de la demande de biens ou services. Il y aurait alors un changement structurel dans l'offre de travail demandée où les maçons devraient obtenir de nouvelles qualifications pour par exemple produire certains biens ou services demandés par les ménages. C'est une situation de chômage structurel. Or aujourd'hui, pour schématiser, ce n'est pas un changement de la demande de biens ou services que l'on constate mais une baisse globale de la demande qui touche un nombre trop importants de secteurs.

UN TAUX D’EPARGNE AUSSI FAVORABLE QUE DEFAVORABLE

Dès lors, et si l'on accepte l’idée que la demande globale américaine est trop faible, on peut s'interroger sur ses causes. Martin Feldstein étudie le taux d'épargne net des ménages. Ce ratio est généralement très faible aux Etats-Unis de l'ordre de 2% depuis les années 90. La tendance à faiblement épargnée s'expliquait notamment par une forte valorisation des valeurs mobilières détenus par les particuliers et un accès au crédit facile. Ces deux facteurs incitaient les américains à moins épargner et donc à plus consommer. Mi-2010, le taux d'épargne américain était évalué à 6,3%, bien supérieur au 2% habituels et surtout proche du niveau des années 80 (9%).

Cette hausse est assez mécanique. Le taux de chômage élevé encourage les particuliers à épargner pour anticiper du chômage partiel. On peut par exemple citer le cas du cycle de vie de Modigliani où l'agent ajuste sa consommation et son épargne de telle sorte que son niveau de vie soit maintenu sur plusieurs années. D'autre part les difficultés du secteur de l'immobilier ont rendu difficile l'obtention de nouveaux crédits. A cela s'ajoute l'insolvabilité du tiers des propriétaires américains disposants de prêts immobiliers suite à la violente baisse de leur patrimoine (actifs immobiliers).

UN RISQUE DE DEPENDANCE
AVEC LES ECONOMIES EXTERIEURES QUI AUGMENTERAIT

D'un point de vue microéconomique ces comportements engendrent une baisse de la demande des ménages. Selon une perspective macroéconomique le problème est double. La baisse de la demande globale ne permet pas le financement de nouveaux investissements donc limite la restructuration de l'économie. Pour remédier à cette baisse de la demande globale, la dépense publique nécessite une hausse du budget notamment par une pression fiscale plus forte et portée sur les ménages. En soi, le mécanisme pourrait s'équilibrer par une fiscalité qui compenserait les comportements individuels.
Or on mesure ici l'implication de l'économie américaine vis-à-vis du reste du monde. L'épargne des ménages américains (qui a baissé de 10 000 milliards de dollars depuis 2007) est insuffisante pour financer les dépenses publiques. Le recours aux capitaux étrangers deviendra rapidement une nécessité. Or, toute dépendance avec l'extérieur implique des risques plus importants et surtout une autonomie plus faible de l'économie américaine.

UNE POLITIQUE ECONOMIQUE RISQUEE
ET REVELATRICE DES INCERTITUDES ACTUELLES

Barack Obama a dès lors préconisé une croissance fondée sur les exportations. Comme le proposait Daniel Gros, l'analogie avec l'Allemagne des années 90 n'est pas si mauvaise. En l'occurrence, la première puissance économique européenne a développé une stratégie d'exportation qui a porté ses fruits depuis les années 2000. Le problème est qu'à la différence de l'Allemagne, les Etats-Unis ne peuvent tirer aucun avantage de nouveaux débouchés. L'Europe du Sud avait permis, en soutien de la monnaie unique, de développer de nouveaux marchés notamment immobilier pour l'Allemagne. Des débouchés qui ont fortement contribué au développement de ses exportations. Les Etats-Unis ne disposeront pas de tels débouchés et souffriront d’autant plus que le dollar est lié au yuan dont le pays, la Chine, connaît une très forte croissance économique. A ces conditions défavorables s’ajoutent la vision long-termiste que nécessite la stratégie d’exportations des Etats-Unis : la transition est généralement longue et nécessite une dizaine d’année.

UNE NOUVELLE CRISE A EVITER

Dans ce contexte, savoir comment soutenir la demande intérieure en limitant la dépendance avec l'extérieure tout en contrôlant les dépenses publiques est un véritable casse tête. Les Etats-Unis devront y faire face, d'autant plus que si aucune solution n'est trouvée alors une seconde récession sera inévitable. Ces incertitudes pèsent sur les marchés financiers. Surtout, ces incertitudes peuvent conduire à des comportements auto réalisateurs - chose peu souhaitable pour nos économies, notamment celles européennes où tout reste à faire.

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